18 février 2022

Au Kenya avec Mgr Ambroise (28 janvier - 2 février 2022)

 

 

Comme Anastasia en 2020, Matouchka Catherine, Katia et moi avons eu le privilège d’accompagner Vladyka dans sa visite pastorale annuelle (1) au Kenya. Notre groupe était composé également de sept Roumains, dont un couple installé à Londres - des fidèles de la paroisse de Brookwood - l’hypodiacre Johan et son épouse Georgeta. Nous étions logés à Embu, à 125 km et trois heures environ de Nairobi (je dis « environ » car dans les faits nous en avons mis six à notre arrivée la première nuit, et Vladyka autant le matin, après deux crevaisons), dans les hauts plateaux du centre, à 1500 m d’altitude, non loin du mont Kenya. 

 

 

En ce moment c’est la saison sèche (2), il fait frais le matin et à la nuit tombée, avec une température de 25-30 degrés l’après-midi. La végétation est luxuriante, verte et fleurie ; les manguiers et les bananiers croulent de fruits, au-dessus de vastes plantations de thé. De chaque côté des routes cassées de ralentisseurs et souvent largement trouées, des gens marchent à toute heure du jour, et même de la nuit : on remarque en particulier des enfants en uniforme qui vont à l’école (les cours commencent à 7h), des femmes courbées sous d’énormes hottes pleines de feuilles de thé. Derrière eux c’est une succession de boutiques très colorées aux noms comme « Hope butchery », « God provides shop », précédées des échoppes branlantes des vendeurs de fruits. Les bâtiments les plus solides sont ceux des écoles et des nombreuses églises parmi lesquelles on peut trouver à peu près toutes les dénominations protestantes et sectaires, des luthériens aux adventistes du 7e jour. Sur la route nous doublons camionnettes ou vans très chargés, et un grand nombre de motos : leur conducteur, portant bonnet ou casquette, disparaît souvent sous un amoncellement de caisses ou de bidons, les motos s’élargissent parfois d’un chargement de feuilles de bananiers longues de trois mètres et peuvent porter jusqu’à quatre passagers imbriqués les uns dans les autres. Les Kenyans ignorent royalement toutes les règles de sécurité, les hommes s’alanguissent volontiers, allongés au bord des routes à observer la circulation.

 

 

Voilà pour la couleur locale, expression très justifiée ici où tout éclate de couleurs. Notre première visite a été pour le monastère Saint-Georges et ses dix-sept moniales dirigées par Mère Christonymphi, dont Vladyka loue la grande sagesse. Après une prière à l’église Saint-André, elles nous reçoivent à déjeuner avant de nous montrer leurs vaches, leur petite chèvre et leur très beau jardin avec ses bananiers, manguiers, caféiers et fruits de la passion. L’après-midi nous nous rendons au monastère d’hommes du Père Pimène qui nous avait accueillis à notre arrivée à l’aéroport : âgé d’une quarantaine d’années, il a lui aussi toute la confiance de Mgr Ambroise, et la charge de trois jeunes moines qui ont entre 22 et 26 ans et chantent remarquablement. Le lendemain samedi a lieu la consécration de leur nouvelle église, dédiée à la Dormition de la Mère de Dieu : la construction, financée grâce à la générosité de Johan et Georgeta et à leur collecte de fonds, a été réalisée en un an. Après les matines, nous assistons à la consécration de l’autel où sont enchâssées des reliques de martyrs, dont celles de Saint Ephrem le Nouvel apparu. L’église s’est remplie de fidèles de tous âges, qui chantent et connaissent très bien les prières.  


 

Les offices sont célébrés essentiellement en kikuyu, la langue locale (plus de quarante ethnies au Kenya), grâce au travail des moniales qui ont traduit les textes, déjà traduits auparavant en swahili, langue officielle du Kenya avec l’anglais ; nous entendons aussi un peu de grec et d’anglais. Nous remarquons la sagesse des enfants : ni bavardages, ni agitation, ils chantent volontiers eux aussi. Après la liturgie ils participent joyeusement à la distribution de bonbons...Ils ne sont pas habitués aux friandises, sont habillés de bric et de broc avec des chaussures éculées, mais Vladyka – qui fait ces visites depuis 35 ans déjà - remarque que trente ans auparavant les enfants allaient pieds nus. Les Roumains, déjà venus il y a trois ans, retrouvent deux jeunes frères avec lesquels ils s’étaient fait photographier : ils portent les mêmes pantalons…
Au cours de notre séjour, nous visitons encore trois paroisses, dont celle de Kaija créée par le père Jean (1942-2016) qui avait bâti plusieurs églises : Mgr Cyprien l’Ancien disait qu’avec quelques prêtres à son image il aurait pu convertir tout le Kenya ! L’église n’est plus en très bon état. Dans une autre paroisse, les fidèles se sont regroupés devant leur église pour accueillir Vladyka avec chants et danse de bienvenue : irrésistible ! 

 

 
 
Le lundi Mgr Ambroise nous donne sa bénédiction pour aller voir un parc animalier, tandis que lui-même retourne chez moines et moniales. Notre groupe choisit le plus proche, celui de Meru : mais le chauffeur s’égare, les freins lâchent, sont réparés, si bien que cette proximité se traduit par six heures de route. Peu importe : l’approche des zèbres, des antilopes, des buffles, des éléphants, des babouins et le pique-nique près de la mare des hippopotames, nous font oublier ces longueurs et accueillir sereinement la crevaison à la sortie du parc. Nous venons ainsi de traverser un pan de la savane africaine, piquée d’acacias. Au retour nous faisons une halte au passage de l’Equateur : comme nous sortons du van, on crie autour de nous « Azungu ! Azungu ! » (Des blancs ! Des blancs !) et on nous parle en anglais. Pas trace d’hostilité en tout cas. A l’hôtel, Vladyka nous remet des cartons pleins de mangues et de fruits de la passion, offerts par les moniales.
 

 

Le lendemain c’est notre dernier jour, et le matin est occupé par la visite de l’école fondée et dirigée par le Docteur Thiongo. Les bâtiments sont sommaires, les tableaux usés n’ont plus de noirs que le nom, les murs sont décorés de cartes et de dessins pédagogiques et les 150 enfants en uniforme – qui ne sont pas tous orthodoxes - accueillent Monseigneur par « is polla eti Despota » puis une petite danse chantée, avant d’écouter l’allocution de Vladyka : il les encourage à être de bons chrétiens et donc de bons citoyens, et à être fiers de leur pays, « le plus beau du monde » selon lui. Et tout se termine par une distribution de bonbons aux enfants…et une délicieuse collation de fruits pour nous.
Nos frères kenyans, nous les avons trouvés joyeux dans leur pauvreté, fervents et généreux. Dans cette parenthèse chaude et lumineuse au cœur de notre hiver, cette nature dépaysante, nous nous sommes senties chez nous à l’église, durant ces offices en langue étrangère et pourtant familiers : miracle de la catholicité orthodoxe. L’Orthodoxie est apparue au Kenya dans les années 20, et c’est au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que les anciens calendaristes grecs ont accueilli une soixantaine de paroisses. Depuis, la plupart ont rejoint le patriarcat d’Alexandrie. Sous l’omophore de Mgr Cyprien demeurent les deux monastères cités plus haut et cinq paroisses. Que Dieu protège notre Eglise du Kenya et la fasse grandir !
 

Svetlana


(1) Mgr Ambroise n’avait pu effectuer cette visite en 2021, en raison des restrictions dues au coronavirus. Prêtres et fidèles étaient d’autant plus heureux de le retrouver cette année, attentif toujours, et égal avec tous.

(2) Le Kenya a deux saisons sèches et deux saisons des pluies ; les routes, sans parler des pistes, sont difficiles en saison humide.