Le secret du Notre Père et la thérapeutique de l’Eglise
Dionisiou A. Makri, Comment Dieu parle, éditions Agathos Logos, 2014, p.215-219
Traduit par Soeur Euphrosyne
« Tu n’es pas schizophrène…Le malin te tourmente. »
Le Père spirituel d’Alexia lui recommanda de se rendre à Agrafa afin d’y rencontrer un Ancien à la personnalité fort agréable. Suivant son conseil, elle s’y rendit en compagnie de sa mère et d’une de ses amies. Parvenues non sans difficultés dans cette région impraticable, elles allèrent à l’église de la Toute-Sainte. A l’entrée, l’Ancien les accueillit avec un large sourire. Elles vénérèrent les saintes icônes et allumèrent quelques cierges. L’Ancien les observait. Alexia lui dit : « Mon Père, je ne vais pas bien : les médecins soutiennent que je suis folle, schizophrène ! Mais ce sont des mensonges. C’est sûrement quelque chose d’autre qui me pousse à agir de manière étrange.
— Ma fille, tu n’es pas schizophrène comme le disent les médecins : le malin te tourmente. Il a trouvé une faille et s’y est glissé. Mais prends patience, il ne va pas rester longtemps. Je l’ai vu se moquer lorsqu’on embrassait les icônes. N’aie pas peur, le Christ et la Toute-Sainte ne t’ont pas abandonnée, tu vas rapidement te rétablir.
— Mais Géronda, intervint alors Madame Koula, la mère d’Alexia, les médecins ont insisté sur la nécessité d’hospitaliser Alexia pour qu’elle guérisse.
— Le Christ, ma bonne femme, est le médecin des âmes. Nous oublions combien, combien de miracles Il fait tous les jours ! Il va bientôt rendre la santé à ta fille !
— Et comment cela va-t-il se passer ? Peut-être va-t-il lui donner quelques médicaments ? demanda Antonia, l’amie d’Alexia, en bondissant.
— « L’antibiotique » de l’Eglise, c’est la confession régulière, ses « calmants », la participation à la Divine Communion, et les « vitamines » qui aident au rétablissement, c’est la fréquente prière de tous les jours ! Tels sont les plus puissants « médicaments », de notre Sainte Orthodoxie qui mettent en déroute les « virus », et surtout les ennemis du bien qui capturent les âmes.
— La ferme, sale prêtre ! Tais-toi ou je te démolis. Je vais te briser en mille morceaux ! » dit alors d’une voix altérée Alexia, qui grimaçait et poussait des gémissements.
L’Ancien enleva immédiatement la croix en bois qu’il portait, et commença à en signer la tête de la jeune fille possédée. Il fit signe à Monsieur Nikos de rentrer dans l’église. Alexia hurlait. Les deux femmes n’avaient jamais constaté un tel comportement de sa part, et sa mère lui reprochait de parler ainsi de manière inadmissible au prêtre. Alors le démon commença à l’injurier et à énumérer des griefs à son encontre. Complètement interloquée, elle se mit à pleurer. Le prêtre lui fit signe de se taire, puis, avec dévotion, il pénétra dans le Saint Autel, baisa la Sainte Table, mit son étole, et s’agenouillant devant l’icône de la Toute-Sainte, il chuchota pendant une dizaine de minutes, donnant l’impression de dialoguer avec Elle. Ensuite il lut des prières du livre de prières. Durant tout ce temps, Alexia poussait de profonds gémissements et insultait le père. Un véritable combat se menait, les démons se manifestaient et se mirent à rapporter des éléments de la vie de la jeune fille.
« Ah ! La vieille garce ! Plusieurs fois j’ai tenté de l’envoyer dans le ravin tandis qu’elle conduisait, ou de jeter sur elle une voiture à contre-sens. Mais je ne pouvais pas lui faire de mal car elle m’en empêchait avec son Notre Père », grogna le démon.
Alors une autre voix, différente de la première – probablement celle d’un autre démon – se fit
brusquement entendre :
« Qu’est-ce que tu gueules, espèce d’idiot ! Tu révèles le secret du cureton, et maintenant elle
va le dire aux autres conducteurs et ils vont se protéger ! Oh là là, quels dégâts tu as fait,
insensé ! Maintenant on va voir comment tu vas te débrouiller devant le chef (sûrement
Lucifer). Allons, partons ! Je vois venir Cosmas et Athanase, avec Séraphim et Eugène (il
parlait des saints), et nous allons manger du bois. Et voici aussi Marie (notre Toute-Sainte)
qui arrive. »
À ce moment se fit entendre un bruit assourdissant, pareil à un coup de foudre, et la jeune fille
s’écroula à terre. Sa mère pleurait, tandis que son amie, terrorisée, s’était recroquevillée dans un coin. L’Ancien prit un peu d’huile de la veilleuse de la Mère de Dieu et en signa le visage et les mains d’Alexia. Il lui donna ensuite la main et elle se releva.
***
C’est initialement Monsieur Nikos – un homme exceptionnellement humble, de Karditsa, qui avait l’habitude de venir à Agrafa et d’aider le prêtre en tant que chantre – qui m’a relaté cet événement, exactement comme il l’avait vécu, avec tous ces détails. Le prêtre m’a également tout confirmé, lorsque je lui ai demandé de m’expliquer pourquoi il recommandait aux conducteurs de réciter le Notre Père. Il conseille en effet à tous ceux qui conduisent de ne pas prendre le volant avant de l’avoir dit !
« C’est bouleversant ce qui est arrivé ! Eh bien ! Combien de choses nous ignorons à propos de notre vivante foi ! … Et la jeune fille, qu’est-elle devenue ? » demanda Sofia, légèrement angoissée.
Dès la première lecture de prières, il y a eu une amélioration flagrante. Elle a eu néanmoins besoin de continuer la « thérapie » à « l’hôpital » d’Agrafa, pendant quelques jours encore, afin que le champ de son âme soit purifié de toutes ses ronces. Aujourd’hui cela fait exactement un an que je la connais, depuis la fête du Saint-Esprit. Je peux vous affirmer qu’elle est complètement libérée des liens du malin. Elle a pris conscience de ses fautes, des failles qui ont laissé la porte ouverte aux esprits du mal, et avec la confession, l’assistance régulière aux offices, la Sainte Communion et la prière, elle a échappé à leurs filets.
Cependant ce n’est pas plus mal de prier Dieu qu’Il garde bien Alexia, car grâce à son histoire nous avons appris un grand secret : pourquoi le Notre Père protège non seulement la voiture, mais sauve aussi des vies, au sens littéral du terme !