● SYNAXE DES PARENTS N°3 ●
LE MARIAGE CONTEMPORAIN : OUI, AVEC L’AIDE DE DIEU,
PÈRE !
3e
réunion des parents organisée par le groupe de travail de la métropole
« Œuvre
de catéchèse, d’éducation et de culture »
avec la
prière, la bénédiction et la direction de Son Éminence
le Métropolite Cyprien II d’Oropos et Fili,
Grèce.
Traduction en français par Sœur Euphrosyne
vvv
Monseigneur
Cyprien : Je vous remercie pour votre hospitalité et fais
appel à vos prières afin que, de la manière la plus simple, nous puissions
aborder, non pas tous les problèmes du Mariage, mais un thème bien actuel,
celui de la responsabilité dans le Mariage.
Dans le
passé, nous avions fait une série d’homélies en lien avec ces questions, et on
trouvait d’ailleurs en circulation plusieurs brochures sur la responsabilité
des conjoints dans le Mariage et leur responsabilité en tant que parents.
Malgré un
objectif commun, la parole de l’Église diffère néanmoins de celle des
psychologues, psychiatres et autres... sans pour autant exclure les conclusions
des sciences de la santé. Mais la parole
de notre Église est thérapeutique : nous en avons connaissance par les
écrits des Saints Pères de notre Église, par ceux des théologiens, mais aussi
par des écrits plus simples et compréhensibles par les croyants. Je parle par
exemple du Gérontikon*, de l’Evergètinos*, de la Vie des Saints* (du moins si nous en avons une consultation
régulière – comme nous les moines en avons le privilège) puis des autres textes
comme les lectures religieuses.
Dans ces
textes, il est dit que notre Christ est le Médecin qui a guéri la nature
humaine ; c’est le Médecin de nos âmes et de nos corps, comme on dit.
Lorsqu’Il a pris chair, lorsqu’Il s’est incarné, le Fils et Verbe de Dieu n‘est
pas devenu homme pour guérir une partie seulement de la race humaine mais toute la nature humaine. Aussi
l’Église, qui est le Corps de notre Christ, fonctionne-t-elle comme un «
établissement de soins » : elle n’est pas un lieu de crainte et tremblements, de
commandements obligatoires lourds à mettre en pratique, mais bien un lieu
thérapeutique, un hôpital.
Si l’on
va dans un hôpital pour soigner une maladie, il se peut qu’on nous en découvre
une autre à soigner également : eh bien ! c’est exactement comme cela
que fonctionne l’Église, ainsi que le saint hésychasme*,
c’est-à-dire la façon dont vivent les chrétiens, les
chrétiens orthodoxes - ceux bien sûr qui vivent en conscience, qui vivent en
connaissance de cause°.
Cette façon de vivre hésychaste
inclut une lutte contre les passions –
passions qui chez l’homme ne sont pas naturelles mais contre nature,
car tous les péchés sont contre nature dans la vie de l’homme, toute forme de
péché est contre nature. Et par les
moyens hésychastes, donc l’ascèse, le jeûne, le repentir, la prière, la
Confession, et au sommet de tout cela les Mystères de notre Église, notre existence est soignée. Ainsi nous sommes dans notre Église
exactement comme dans un hôpital : on a confiance en nos médecins – car si l’on n’avait pas confiance en eux on
ne pourrait pas appliquer un traitement afin de guérir physiquement – et il en va de même pour les choses
spirituelles.
Si
quelqu’un lit la Philocalie*ou tout
autre livre en lien avec l’Église des Saints Pères neptiques*, il y trouvera la description de la façon dont l’esprit,
l’intellect de l’homme se purifie, se
nettoie comme il est plus exactement écrit. Il se nettoie, est illuminé et
se parfait. Au sein de l’Église, dans la conduite ascétique, dans la vie
hésychaste, dans la vie eucharistique*,
l’intellect de l’homme se nettoie, est éclairé et se parachève.
Nous
allons voir que l’amour intéressé devient désintéressé : nous parlons de
l’Amour, thème très élevé, et justement nous comprendrons que l’inverse de
l’amour intéressé est l’amour désintéressé. Puis nous verrons la manière dont
se soigne l’amour de soi (sujet très
actuel). Et encore comment cet égoïsme se transforme en amour de Dieu (philothéia)
et amour des hommes (philanthropie).
Dans le
monde occidental, toutes ces traditions thérapeutiques de l’Église ont été
oubliées : papisme et protestantisme s’en sont peu à peu éloignés,
laissant place à la scholastique, au syncrétisme… Mais toutes ces traditions de
l’Église orientale - traditions hésychastes, thérapeutiques, purifiantes - sont
également oubliées par les chrétiens orthodoxes (plus ou moins) qui
s’imprègnent des habitudes et traditions occidentales : il s’est ainsi
créé ici, en Orient, un nouveau mode de vie qui gagne de plus en plus de
terrain. Récemment nous l’avons vu avec les fêtes...
La
Nativité du Christ par exemple, ce n’est plus une naissance avec le Christ, ce n’est plus une nativité thérapeutique, une
manière de vivre et d’exister afin de récupérer en profondeur, de renaître
pendant cette fête; afin que la Nativité de notre Christ devienne notre
naissance, que l’on se renouvelle et commence une nouvelle vie qui soit
réellement chrétienne... Et tout cela a pour résultat des problèmes qu’on dit
psychologiques. Les gens s’agitent – et tenez-vous bien, après les fêtes –
en supposant que cette façon de célébrer donne de la joie (une joie des sens
tout extérieure bien sûr), afin de faire prédominer le fameux « esprit
de fête ». Après une certaine exaltation (assez mensongère évidemment),
d’habitude, quand les lumières s’éteignent, il nous vient une sorte de
dépression, de mélancolie, car nous n’avons pas établi de lien véritable avec
notre Christ né, et ainsi les psychothérapies, psychanalyses etc., gagnent du
terrain.
Il y a
aussi dans notre Église des psychothérapies bien sûr, mais elles sont d’une
autre nature, nous en parlerons. L’aide apportée par les soins psychologiques
est une thérapie, mais celle de l’Église est différente. Lorsque, dans
l’Église, nous parlons de nos passions – nos maladies – nous nous référons à un fait spirituel, non à de la
psychologie. L’âme, pour la psychiatrie, n’est pas l’âme selon l’Église. L’âme
selon l’Église est la deuxième substance de l’homme. Comme nous le savons,
l’homme est un corps matériel et créé, mais il possède une âme immortelle, qui
est raisonnable car elle est créée par notre Dieu, et qui demeurera
éternellement. C’est un être logique, vivant, avec ses problèmes et maladies,
qui ne meurt pas, alors que l’âme psychologique (selon le monde)
affronte différents problèmes de nature extérieure, en lien avec le caractère,
le rapport avec les autres et des conflits intérieurs qui n’ont rien à voir
avec l’âme. Il n’est pas interdit de se tourner vers les moyens
psychothérapeutiques, mais il n’est pas toujours nécessaire d’y recourir. Je
vais vous donner un exemple pour vous le faire comprendre.
Un homme marié de 47 ans (c’est un fait, non une théorie) écrit : « Nous nous
séparons avec ma conjointe, car elle ne supporte pas ma jalousie (jalousie qui est un grand problème au sein
du Mariage et généralement dans les rapports humains). Oui j’ai utilisé une
puce [électronique] mais elle m’en
avait donné tous les droits, et elle se sépare de moi, moi qui ai tant fait
pour cette femme ingrate. Comme m’a dit mon psychologue : c’est mieux que
les choses se terminent ainsi, car elle était complètement toxique. »
Faites
attention à l’opinion du psychologue lors de la psychothérapie, et imaginez
maintenant la manière toute différente dont un père spirituel affronterait la
chose : nul besoin de recourir à un psychologue, il faut seulement
combattre la jalousie. Tu n’as pas à te rendre chez le psychologue si tu es
jaloux, c’est une passion qui doit être affrontée au sein de l’Église, dans une
vie ecclésiale, dans la tradition hésychaste orthodoxe de notre Église, par l’ascèse,
la vie ascétique, l’expérience hésychaste, la vie des Mystères, avec l’aide du père spirituel. Si tu
vas chez ton père spirituel et lui dis « j’ai de la jalousie », il va te
guider, si tu es bien disposé à combattre cette passion, pour que ton conjoint
et toi n’ayez pas à vous séparer (bien que cela arrive : nous sommes
des êtres humains...).
Autre
exemple : « Je n’en peux plus, je vais me séparer de lui, je rentre à
la maison et il a ses vêtements jetés, éparpillés çà et là, et quand je lui dis
de les ramasser il dit « oui » mais ne le fait pas. Je ne peux plus
le supporter, c’est moi qui dois tout faire ? »
Alors on irait donc chez le psychologue pour lui
dire que le conjoint n’est pas ordonné ? Il a une faiblesse, ce n’est pas
un bon maitre de maison, soit...
Actuellement, pour ce genre de choses, la tendance dominante est de se
précipiter chez le psychologue. Or là il n’y en a pas besoin, il te faut un
père spirituel pour te guider, t’aider à comprendre, à faire une autocritique,
à voir quelles sont tes propres faiblesses, comment tu vas les combattre et aider ton
conjoint, et ainsi dépasser ces mesquineries. Dire qu’on se sépare pour ce
genre de choses... ou, si on ne se sépare pas, on mène une vie bien peu
agréable dans une tension quotidienne.
Ainsi
donc, chaque jour (ou très souvent en tout cas), les psychothérapies et
les confessions spirituelles cherchent à aider les hommes sur les sujets
sérieux qui les préoccupent, mais aussi sur de moins sérieux, comme on l’a vu
plus haut. Quels sont donc les sujets plus sérieux appelés aujourd’hui particulièrement
« psychothérapeutiques » au Conseil de la Santé, ces sujets
concernant la santé psychique et spirituelle, quels sont-ils ? Ce sont
surtout la dépression, les angoisses, l’agitation, le trouble, qui réellement
appartiennent au domaine du médecin – bien que même là l’Église puisse aider – mais aussi des problèmes de
relations entre les personnes. Puis il y a les questions intrafamiliales :
tous ceux qui ont une famille les vivent plus ou moins, on en a tous
connaissance. Maintenant si c’est un hiéromoine* qui vous parle, évêque qui plus
est, ne considérez pas cela comme inopportun, car nous vivons tous plus ou
moins dans un cénobion*, une communauté : une Famille avec un ou deux enfants,
c’est déjà une petite communauté. Nous, nous sommes trente personnes au
monastère, c’est déjà un plus grand cénobion, et il en existe de plus
grands encore avec cent personnes et même davantage !
La
cohabitation, la vie en communauté rencontrent différents problèmes de
relations entre les membres, que ce soit en Famille ou en famille monastique.
Aujourd’hui en particulier, on constate une rapide augmentation – jamais vue
auparavant – des problèmes au sein de la Famille, qui
souvent conduisent les gens dans des impasses. Et lorsque nous disons Famille,
nous l’écrivons avec un F majuscule car nous parlons de la Famille chrétienne.
En effet, de nos jours il y a plusieurs sortes de familles malheureusement,
mais nous, nous voulons dire la Famille chrétienne. C’est pour cela que nous
sommes ici et voulons apprendre comment affronter ce qui nous est demandé dans
notre Famille en Christ.
Comment
un Mariage peut-il en arriver à l’impasse ? Mariage et Famille avec majuscule, car ces mots ont une signification
particulière, chrétienne, fondée sur l’Évangile et les Lois de notre Christ dans une vie en Christ. Penchons-nous
sur un petit récit extrait d’un Gérontikon
(nous avons dit précédemment que les livres de l’Église donnent de miraculeuses
recettes si – lorsque nous en avons
l’appétit, nous approfondissons la lecture et ne lisons pas d’une manière
brouillonne et superficielle – nous
les mettons en pratique). Voici donc ce récit issu de l’Evergètinos, connu comme une véritable
encyclopédie non seulement pour la vie monastique mais pour toute vie en
Christ. Il est édité en quatre tomes et contient un trésor inestimable. Nous le
nommons « encyclopédie » car il se réfère à toutes les passions qui
ne préoccupent pas uniquement le moine, mais n’importe quelle personne. En
effet nous les moines sommes aussi des êtres humains, venus de la ville dans ce
lieu [au monastère] avec la ferme
décision de combattre nos passions, de les surpasser, d’acquérir l’amour désintéressé
et de nous unir avec notre Christ.
Ainsi, un
homme cherchant le salut de son âme s’est dédié à un monastère, un cénobion.
Dans cette communauté, il a dû néanmoins se heurter à beaucoup de problèmes au
quotidien. La vérité est qu’il était aussi un petit peu étrange, instable (car lorsque tu sors du monde pour le
monastère, tu n’y entres pas sans passions mais avec toutes tes passions que tu
essaieras de soigner, c’est pour cela que la vie communautaire est une vie
thérapeutique). Il rencontrait chaque jour différents soucis, et les moines
de ce monastère ne voulaient pas de lui, à la moindre occasion ils se moquaient
de lui, le calomniaient, l’insultaient et le rendaient victime de diverses injustices.
Son séjour dans la communauté était extrêmement difficile.
Cela arrive... Vous me direz : « Mais
enfin, comment cela est-il possible dans un monastère ou vivent des ascètes,
des saints, etc. ?» La vérité est que nous sommes des hommes faibles,
avant d’arriver à dépasser notre amour-propre, nous débarrasser de nos
passions... Nous aussi les moines on dévie, ne pensez pas ! Seulement nous
avons la chance d’avoir le Géronda*, la Gérondissa*
au monastère, et même s’il commet quelque faute, le moine s’en remet
rapidement, soit tout seul soit avec l’aide de son supérieur. La faute est
confessée, et il se relève pour avancer, et de la sorte petit à petit il se
corrige. Ça c’est le moine : il tombe, il se relève, il tombe, se relève,
tombe, se relève... et doucement se stabilise dans la vie en Christ.
Donc dans
ce monastère il y avait des moines faibles, et lui ce pauvre moine l’était plus
encore et passait des moments difficiles. Cependant, il prit un jour une
décision, une forte décision, ferme : celle d’affronter toutes ces
difficultés au sein du cénobion de manière plus vaillante, de sorte que
sa pensée* ne lui souffle plus
« je n’en peux plus ici, je pars, je vais trouver encore un autre
monastère qui sera mieux, etc. » (Comme
nous disons dans les familles : « Je pars, je divorce, je vais
trouver un autre compagnon qui sera meilleur, etc. » L’ennemi se moque de nous en
nous suggérant que nous trouverons quelque chose de mieux) ... Que fit-il ?
Sur un bout de papier, il écrivit deux ou trois choses, puis le mit dans sa
ceinture : il le gardait ainsi, et
lorsque des difficultés se présentaient à lui, il le sortait, le lisait,
s’apaisait, reprenait des forces et continuait. Les autres moines, quand ils
virent ce revirement, ce changement chez ce frère qui auparavant était
impatient, rétorquait d’une manière inconvenante... quand ils virent sa
patience, sa résignation, ils se demandèrent ce qui se passait. Ils
remarquèrent qu’il avait ce papier, et écoutez maintenant comment le diable
s’en mêla : ils pensèrent que sur ce papier il avait écrit de la magie,
des mots et formules magiques, et qu’ainsi, lorsqu’il les lisait, il se calmait
et pouvait de la sorte faire face à tout. Lâchement et sans réfléchir, ils se
rendirent chez l’higoumène* (eh nous sommes faibles ... !).
Je fais
une parenthèse : dans
l’orthodoxie nous ne cachons pas nos faiblesses, nos faiblesses sont pour nous
une matière pour progresser. Une personne qui comprend ses faiblesses ne
désespère pas, elle ne va pas se rendre chez le psychologue, mais consciente de ses faiblesses, avec
la grâce de Dieu qui lui donnera une intense impulsion, elle va essayer de
dépasser cette faiblesse. Non pas désespérer, ou coller à cette
faiblesse, dire « eh ! moi je suis comme ça, je ne change pas, faites
ce que vous voulez, etc., vous, vous allez me supporter, moi je ne vais pas
changer ».
Le jour
suivant, ils se rendirent donc chez l’higoumène et lui dirent qu’il se passait
quelque chose avec ce moine, qu’il lisait un papier qui le calmait, que c’était
sûrement de la magie, car c’était vraiment étrange qu’il parvienne à retrouver
tout son calme et son équilibre. L’higoumène, n’ignorant pas les pièges de
l’ennemi, les renvoya et proposa de voir ce papier plus tard, lorsque seraient
rassemblés tous les Frères, afin qu’il soit lu à haute voix. Sur le papier il
était écrit, écoutez bien : « calomnies,
faim, soif, outrages, injustice, injures, mépris, persécutions [et autres afflictions se référant au texte
de la tonsure monastique : en effet, lorsqu’on devient moine, celui qui
tonsure le frère lui rappelle qu’il devra passer par différentes épreuves –
dont certaines ont été citées quelques
lignes plus haut – et il achève en
demandant : « Tout cela tu le
supporteras pour l’amour du Christ ? » et le tonsuré répond
« Oui, avec l’aide de Dieu, Père ».]
Ce papier donc se terminait ainsi et ce moine le lisait à chaque fois qu’il
vivait ces difficultés, qu’il affrontait la méchanceté humaine, sa faiblesse,
le découragement, l’irritation ... Et quand il perdait courage face à tout
cela, il se remémorait ses vœux : car il s’agit de vœux, de promesses. Le
moine, quand il se dédie à la vie monastique – dans ce serment qu’il fait
devant Dieu, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, devant les Saints du
monastère, devant la Toute-Sainte et tous les Saints du monde, devant le Géronda
et toute la communauté – promet qu’il supportera tout cela avec l’aide de Dieu, Père. Il se rappelait donc que tout cela il
l’avait promis, qu’il en avait fait vœu, qu’il ferait preuve de patience et
qu’il n’était pas venu au monastère pour une vie de plaisirs, pour passer du
bon temps... mais pour lutter, trouver notre Christ, survivre et surpasser ses
difficultés et ses passions. Il se souvenait de la parole qu’il avait donnée,
de la raison pour laquelle il avait voulu devenir moine.
Les
tribulations n’arrivent pas afin de nous conduire au désespoir : les afflictions sont un chemin
qui nous mène à la rencontre de Dieu, elles sont une route vers Dieu,
une route de purification. À travers les difficultés que
nous affrontons – qu’elles soient intérieures ou extérieures, venant des hommes
ou de démons – l’homme se purifie, se
sanctifie et est conduit vers son unification avec Dieu. Le moine donc, à
son mariage spirituel, lorsqu’il est tonsuré [nous disons tonsure car le prêtre ou l’higoumène coupe avec les ciseaux
une partie des cheveux du novice, ancienne habitude et signe de dédicace],
promet ; il donne une promesse devant tous, comme c’est le cas lors des
mariages dans le monde.
Dans le
Mystère du Mariage, de mystérieuse façon, des promesses sont faites à haute
voix, avant le début des fiançailles. Le prêtre, qui a confessé les futurs
conjoints auparavant, leur a demandé ils s’ils étaient d’accord, s’ils étaient
décidés... Et tout l’office du Mariage est une promesse. À ce moment le Saint-Esprit est présent, les deux membres du couple,
c’est-à-dire l’homme et la femme, font
la promesse de vivre la vie commune avec l’aide de Dieu, non pas
tout seuls. Et ça, nous l’oublions en chemin, nous oublions cette
promesse, nous oublions que le Saint-Esprit présent a écrit cette promesse.
C’est pour cela que c’est un grand péché de se séparer et de divorcer. Car la
promesse est dissoute, à ce moment nous nous parjurons, nous devenons
transgresseurs de la promesse. On se tourne bien facilement vers le divorce car
« on n’en peut plus », « on ne supporte plus » (cf. les
exemples cités plus haut). Où vont les promesses qu’on a dites au
Mariage ? On ne se marie pas pour que tout soit magnifique, coton et
duvet !
Je vais vous lire ce que promet un moine
lors de sa tonsure, ce qui mystiquement correspond à ce qui se passe au Mariage
dans le monde :
v
Le Supérieur demande :
-
Que
cherches-tu frère, en te prosternant devant l’autel divin et cette sainte
communauté ?
-
Je désire
mener une vie ascétique, Révérend Père.
-
Désires-tu te
rendre digne de l’Habit Angélique et prendre place dans le chœur des
Moines ?
-
Oui, avec
l’aide de Dieu, Révérend Père.
-
C’est
vraiment une œuvre excellente et bienheureuse que tu as choisie, mais à
condition de la mener jusqu’à sa perfection ; car les choses les plus
belles s’acquièrent avec peine, et ce sont nos efforts qui les font réussir.
Est-ce de plein gré que tu t’approches du Seigneur ? [c’est-à-dire :
est-ce avec toute ta volonté que tu entreprends la vie monastique, ou pour
d’autres besoins : par pression, pour fuir un événement désagréable...]
-
Oui, avec
l’aide de Dieu, Révérend Père.
-
N’est-ce pas
par nécessité ou par contrainte ?
-
Non, Révérend
Père.
-
Renonces-tu
au monde et à ce qui s’y trouve, selon le précepte du Seigneur ?
-
Oui, avec
l’aide de Dieu, Révérend Père.
-
Promets-tu de
rester dans ce monastère, ainsi que dans l’ascèse jusqu’à ton dernier
souffle ? [le Mariage
va-t-il durer jusqu’au bout ? Le monachisme n’a pas de divorce en chemin]
-
Oui, avec
l’aide de Dieu, Révérend Père.
-
Promets-tu
d’observer jusqu’ à la mort l’obéissance au Supérieur et à toute la fraternité
dans le Christ ?
[vas-tu rester patient jusqu’ à la mort ?]
-
Oui, avec
l’aide de Dieu, Révérend Père.
-
Promets-tu de
supporter toutes épreuves et tribulations de la vie monastique dans l’espoir du
Royaume des Cieux ?
-
Oui, avec
l’aide de Dieu, Révérend Père.
v
Ainsi, le
prêtre pourrait demander au conjoint, à la conjointe : « Promets-tu
de supporter toute peine, tout souci et inquiétude de la vie conjugale dans
l’espoir du Royaume des Cieux ? »... En vérité il le demande à travers les
prières qu’il lit, mais peut-être n’est-ce pas tout à fait compris par les
mariés, bien qu’ils le promettent d’une certaine façon avec leur conscience.
Ces questions, ces promesses, le moine les donne lorsqu’il commence sa « vie
conjugale spirituelle », car son âme se fiance dès lors au
Christ-Époux.
Ce moine
se remémorait de la sorte la raison pour laquelle il était devenu moine, les
promesses données, et se rappelait que les souffrances sont un chemin vers
Dieu. Avec ce papier, il ne tombait pas dans l’oubli, il avait trouvé un
moyen pratique de se souvenir. Nous oublions bien vite nos promesses à
cause de notre faiblesse, de notre indifférence, par l’action du malin ;
et avec l’âge on oublie aussi, on tombe dans la négligence, on se relâche, et
les relations commencent à se détériorer (dans une communauté monastique
mais aussi dans le Mariage). - Promets-tu de supporter pour l’amour du
Christ ? Cette question
doit être attachée à la personne qui a pris la décision de se marier. Le
Mariage, comme le monachisme, est une voie vers notre salut, ce sont les deux
voies du salut pour nous les Chrétiens. Un homme et une femme ne se marient pas
seulement pour passer du bon temps, avoir des enfants. L’idéal serait bien sûr
que tout soit toujours parfait (au monastère ou dans la famille), que
tous nos désirs soient satisfaits, que tout coule calmement sans perturbations
comme nous l’avions projeté. Cependant la vie vient démentir cet idéal, car
nous sommes des hommes, nous avons oublié que nous entrions dans ces deux voies
pour marcher sur le chemin qui mène à Dieu,
le chemin
de la sainteté. Comme un moine ou une moniale luttent dans un cénobion
pour leur sainteté, c’est-à-dire que leur existence se purifie de ses passions
pour s’unir au Christ, ainsi dans le Mariage, l’effort est fait par une entraide mutuelle des deux
membres du couple dans le combat pour
le Royaume des Cieux. Ça, c’est l’idéal. C’est pour cela que nous disons conjugale, nous nous trouvons sous le
même joug, nous marchons ensemble
dans le but de nous sanctifier et nous unir à Dieu.
Une
personne se marie à une autre afin qu’elle devienne son compagnon et son aide
sur cette route-là, car dans le monde une personne ne peut être seule, elle
serait dévorée par le péché, l’esprit mondain, c’est pourquoi elle décide, avec
crainte de Dieu, après avoir prié, de choisir un compagnon de sorte qu’ensemble
ils cheminent vers la sainteté. Elle choisit une personne qui soit prête à la
soutenir et qu’elle aussi puisse soutenir dans les bons comme les mauvais
moments. La route ne sera pas facile – pour vous qui vivez la vie conjugale et
nous qui marchons sur le sentier monastique – , l’expérience le
montre, c’est pourquoi nous avons besoin d’appui : le Géronda, le
père spirituel dans le monastère, et le père spirituel dans la Famille. C’est
pour cela aussi qu’il doit être expérimenté et exercer son service avec crainte
de Dieu, attention et renoncement à soi-même, car son rôle est d’unifier et non
de séparer. C’est une facilité que de dire « bon, puisque ton conjoint
t’amène à cet état, séparez-vous », mais si le père spirituel dit cela
facilement, cela signifie qu’il a déjà dévié, il a dévié de lui-même.
On
choisit donc une personne avec laquelle on s’unit lors du Mystère du Mariage.
L’homme et la femme deviennent un
androgyne*, un seul corps. Ce mot veut dire que la personne est en même
temps homme (andros) et femme (gynê). Cet homme et cette femme au sein
du Mariage constituent un seul corps, une âme, c’est une existence. Il faut qu’ils soient unis. Et s’il ne le sont pas – car leurs
passions prennent le dessus – alors il faut combattre les passions, et en
combattant ses passions on ne devient que plus unis avec son compagnon/sa
compagne. Voilà pourquoi la personne est toujours préparée pour toute difficulté qu’elle pourrait rencontrer dans le
Mariage. Et si elle n’a pas médité cela, il vaut mieux qu’elle ne s’engage pas,
car ce serait un mariage superficiel. Il pourrait y avoir des problèmes
économiques, l’impossibilité d’avoir des enfants ou, s’il y en a, qu’ils créent
des problèmes plus importants que ce qu’on avait planifié. Il se pourrait que
l’un des deux tourne mal, tombe dans diverses fautes, ce qui détruirait l’autre
membre, ou que l’un tombe malade, ait un accident qui nécessiterait des soins
constants... Sommes-nous prêts pour tout
cela ? Sont-ils prêts, l’homme et la femme qui s’unissent dans le
Mariage, à affronter tout cela ? Y ont-ils pensé ? Ou emportés par
des sentiments superficiels (comme les jeunes en sont souvent victimes)
ils négligent la raison ? Le sentiment, on en a besoin, mais il est guidé par la raison en Christ, non par
la psycho-logique du monde : « Si nous progressions et nous
mariions ? » ... Mais s’il m’arrive telle ou telle chose, suis-je décidé à y faire face par le sacrifice de moi-même ?
De nos
jours, le mariage– nous le voyons et le constatons (nous aussi les pères
spirituels) – se passe avec superficialité, ce n’est pas le produit d’une
mûre réflexion et de la prière. « Je me marie avec cette personne :
j’ai prié à ce sujet, j’ai réfléchi aux difficultés qui peuvent en ressortir.
Lors de la durée des fiançailles (sage
décision de l’Église qui, comme dans le monachisme avec le noviciat, a
déterminé un temps d’essai), ai-je pensé correctement ? Puis-je
progresser avec cette personne ? Ou est-ce une personne dans laquelle je
discerne des faiblesses et des problèmes que je ne pourrai pas supporter plus
tard. Après, je vais regretter mais ce sera trop tard. » Il faut donc
que la décision du Mariage ne soit pas prise à la légère, emportée par un
sentimentalisme à l’eau de rose, où tout est merveilleux, paradisiaque avec
tout ce que permet l’imagination sur les jouissances du Mariage... Je dois réfléchir, prier et ensuite, prendre
une décision. Dans certains cas, tout s’est passé en prière et le Mariage a
été comme un don de Dieu : deux personnes se sont rencontrées, ont
réfléchi avec maturité, ont prié, et Dieu leur a accordé un bon compagnon. Non
qu’ils n’aient pas eu de faiblesses, mais ils ont pu se mettre d’accord, lutter
ensemble et se soutenir l’un l’autre.
Ainsi, à
cause de la superficialité, la plupart des mariages d’aujourd’hui conduisent au
divorce. C’est une situation terrible ici, les gens divorcent plus qu’ils ne se
marient, et pourtant nous ne sommes pas un grand pays. Et pourquoi cela ?
Une difficulté qui surgit est considérée comme un échec du Mariage. Tu ne t’es
pas marié pour ne pas avoir de difficultés, tu t’es marié en sachant que tu
rencontrerais des difficultés (pourvu
qu’il n’y en ait pas bien sûr) ! Comme pour un monastère, tu voudrais
trouver une communauté où tous sont des anges et ne pas rencontrer de
difficultés mais comme nous l’avons dit, chaque personne amène avec elle son
« ancien moi » et d’ici à ce que notre ancienne personne se
renouvelle, se nettoie, il va y avoir des difficultés.
Donc la
difficulté est vue comme un échec et conduit facilement à la pensée du divorce,
car la personne pensait que le Mariage serait une douce balade : repos,
joie, tout va bien, on va profiter, etc. Cependant, si cela a commencé dans
cette optique, je souligne que ce mariage s’est fondé sur une vision erronée.
Nous commençons à bâtir notre Mariage, à construire notre maison et nous
n’avons pas pensé à avoir des fondations stables, solides, des fondations comme
le décrit notre Église orthodoxe. Et l’on s’indigne des faiblesses de son
compagnon/sa compagne, et les problèmes commencent et conduisent soit au
divorce soit à une vie conjugale malheureuse. On pousse, on recule, et nous les
pères spirituels essayons de tirer car « ils ont des enfants, etc. »
Avons-nous
appris à supporter notre prochain ?
Avons-nous
appris à retrancher de temps en temps
notre volonté ? Il n’y a pas que le moine qui doive renoncer à sa
volonté propre, les époux doivent le faire aussi.
Avons-nous
appris à tolérer la faiblesse de l’autre
afin de ne pas arriver à la division ?
Faisons-nous
des compromis (non coupables) qui
conduisent au réel amour ?
Lorsque
l’égoïsme domine au sein d’une famille, il n’y a pas besoin d’aller chez le
psychologue pour ce qui arrive. Lorsque nous n’arrivons pas à supporter une
remarque, un rappel, une marque d’amour de la part du conjoint ou de la
conjointe, lorsque nous ne voulons que ce que nous désirons, alors nous nous
éloignons de la grâce du Mystère. Lorsque nous n’accomplissons pas cela, que
nous sommes impatients, jugeons notre compagnon, ne communiquons pas, ne
montrons pas d’intérêt, etc., que se passe-t-il alors ? Ce n’est pas
seulement que nous perdons les bons rapports entre nous, mais la grâce du Mystère du Mariage se retire.
Le Mariage est un Mystère, la grâce de Dieu et du Saint-Esprit a visité le
couple à l’heure du saint Mystère et les a unis profondément et mystiquement,
comme le moine avec son Géronda lors de la tonsure monastique. C’est
cette grâce qui renforce le Mariage, mais elle ne demeure pas et n’augmente pas
au sein du Mariage pour une vie en Christ si elle n’est pas cultivée ;
elle va se retirer et cela donnera un Mariage sans âme, un corps sans âme.
Quand l’âme sort du corps, le corps est mort, le Mariage est donc mort, rien ne
reste à part les situations désagréables où dans le pire des cas on divorce,
dans le meilleur, on cohabite à l’intérieur de la maison mais comme deux
étrangers.
Quand le
« NOUS » (car le Mariage a
unifié en UN le corps) devient deux egos, deux « JE », le Mariage chemine sur une route faussée. Le grand
danger est que le « nous » de deux personnes, ce toi et moi
ensemble, ce corps et cette âme unis, se brise et que l’on ait un
gros « JE » de l’homme et un gros « JE » de la
femme : alors le Mariage fait naufrage.
Nous
retrouvons la même chose au sein d’une communauté monastique : si un moine
ne fait pas obéissance, ne fait que ce qu’il veut, alors il se sépare des
autres moines, du Supérieur ou de la Supérieure et cela conduit aussi au
naufrage. Ou bien il va rester moine (sans l’être vraiment) dans le
monastère, il restera aimé des autres frères mais il ne progressera pas et
après avoir renié ainsi toute une vie dans le monde pour une vie bénie au
monastère, il se sera gâché cette bénédiction. Il aura donc perdu et cette vie,
et l’autre.
De même
dans le Mariage, les conjoints ont renoncé à beaucoup de choses pour vivre
ensemble une vie christocentrique et
au lieu de cela s’élèvent deux egos,
avec un mur entre eux qui les conduit au naufrage.
Avant
d’arriver en colère à la porte du juge, demandant le divorce, ou à la porte du
psychologue, donnons-nous encore une chance. Comment ? Tenons-nous avec
courage, avec patience devant l’icône du Christ et de notre Toute-Sainte,
exposons devant Dieu les problèmes que nous rencontrons, et
demandons-nous : Tout cela vas-tu le supporter pour l’amour de Dieu ?
Et répondons « OUI, AVEC L’AIDE DE DIEU, PÈRE ».
Ainsi écoutons le Seigneur nous répondre à travers son icône :
« Pourquoi ne supportes-tu pas ? Sois patient. Je suis à côté de
toi ». AVEC L’AIDE DE DIEU. Si Dieu assiste le moine, il assiste autant
les conjoints dans la vie conjugale. Oui
avec l’aide de Dieu... : je supporte avec patience les diverses
difficultés en appelant la synergie, l’aide, l’assistance de Dieu.
Tel est
le message de cette synaxe.
v
Je
résume : nous oublions, car nous n’avons pas médité avant le Mariage sur
les difficultés qui pourraient subvenir. Or la vie commune ne peut en être
dépourvue, elle est toujours difficile. « Vie commune » cela signifie
coexistence de personnes qui ont des caractères contraires, des éducations, des
traditions, des passions, des points de vue différents, etc., deux mondes
différents. Nous souhaitons évidemment que ces difficultés n’arrivent pas, mais
en raison de nos faiblesses nous n’y réfléchissons pas auparavant : nous
progressons vers le Mariage et soudain nous avons à affronter tout cela. Mais,
face à ces soucis, il faut nous rappeler ceci : « Tout cela,
vas-tu le supporter pour l’amour du Christ ? N’est-ce-pas ce que tu
as promis ? Maintenant, pourquoi es-tu mécontent ? Oui, seul tu ne
peux rien. Oui avec l’aide de Dieu, tu vas continuer à essayer, car c’est le
chemin que tu as choisi, le Mariage, et c’est une voie qui conduit à
Dieu. »
C’est une
voie qui porte le sceau de Dieu et c’est pourquoi nous parlons du Mystère du Mariage. Il y a deux voies
vers Dieu : la voie monastique, qui est un mariage spirituel, et la vie
conjugale dans le monde. Sommes-nous prêts pour tout cela ? Avons-nous
prié ? Est-ce le fruit d’une mûre réflexion et de prières pour que
nous décidions de nous marier ? Ou est-ce une décision
superficielle ? Apprenons-nous à supporter l’autre ? A retrancher
notre volonté de temps en temps ? Avons-nous appris à tolérer et à
vivre ensemble ? Avons-nous appris qu’il n’est pas besoin de psychologue
si l’homme et la femme sont désordonnés, sales, ont d’autres faiblesses ?
Pour cela il faut seulement une métanie sous l’épitrachilion* du père spirituel et un bon conseil pour reprendre
des forces afin de retrouver le « NOUS ». Dans le Mariage il y a le
« NOUS », et lorsque s’élèvent deux egos – crainte et tremblements – il faut qu’en ayant pris conscience les
deux membres prennent peur, s’agenouillent devant Dieu et veillent à détruire
ces murs, pour qu’avec beaucoup d’humilité ils se réunissent en un
« NOUS ».
Si je ne
suis pas le seul à aborder le sujet du Mariage, voilà ce que je souhaitais vous
dire d’un point de vue monastique surtout, car la vie monastique est une noce
spirituelle dans une communauté, et le Mariage est une petite communauté.
J’aimerais que nous sortions de cette synaxe avec le sentiment d’avoir été
aidés, renouvelés dans nos décisions ; que si nous sommes en période de
crise avec notre compagnon(e) nous puissions désormais affronter la situation
afin que le Christ règne au sein de notre communauté.
v
« Nous vous remercions pour cette profonde
homélie spirituelle : priez pour qu’à l’heure de l’épreuve nous nous
souvenions de vos paroles. Passons maintenant aux questions... »
Géronda
Théodose : Bénissez ! Votre homélie était très belle,
pour ma part je voudrais simplement témoigner qu’à partir des confessions que
j’entends (je ne sais pas pour les autres
prêtres), la plupart des couples, 90% à 95% des couples, en tant que
personnes liées par le mariage, n’ont pas d’objectif spirituel.
Aucun. Rien du tout. Ils ne savent pas pourquoi ils se sont mariés. Ils ne
comprennent pas que le Mariage, comme le monachisme, est un moyen de cultiver
son âme, d’unifier le plus possible l’âme des deux personnes, de s’aligner et
de marcher ensemble vers le Royaume de Dieu, qu’on ait des enfants ou non. Et
s’ils n’ont pas ce but, nous voyons qu’ils ne le transmettent pas non plus à
leurs enfants !
Monseigneur
Cyprien : C’est pour cela que nous avons atteint ce
point aujourd’hui au sujet des enfants...
Géronda
Théodose : Exactement ! Puis ils amènent leurs
enfants chez leur père spirituel... mais quel objectif peut-il leur donner en
ne voyant la famille qu’une fois par mois, ou toutes les deux semaines ?
Est-ce possible ? Et au quotidien que se passe-t-il ? Le père
spirituel parlerait à l’enfant d’humilité (par exemple), lui dirait de lutter
contre son ego (son « JE ») etc., alors que les parents ne se
demandent pas même pardon l’un à l’autre ! Ils se disputent, s’insultent,
ils ne font pas attention au fait que leurs enfants sont devant eux, ils
exposent simplement la passion qu’ils ont en eux. Quand nous voyons que le
couple, les parents, n’ont aucun objectif spirituel... le Mariage est vain.
-
Oui, mais
quand le Mariage est chrétien, est-il possible que le couple n’ait pas un but
spirituel ?
-
Là est la
question...
-
Car nous ne
parlons pas de personnes ignorantes, n’ayant aucun rapport avec tout cela, mais
nous parlons de couples qui croient en
Dieu !
-
Malheureusement...
-
Voilà
pourquoi c’est pour nous une grande douleur : cela fait des années que
nous sommes chrétiens et nous ne pouvons dépasser notre « MOI ».
Géronda
Théodose : « Je suis
jaloux, égoïste, coléreux, je suis tout et n’importe quoi... mais ce que j’ai
nuit aussi à l’autre membre. Je le martyrise. Et pourtant cela
m’indiffère : il faut me supporter, car moi je suis comme ça, je ne change
pas. » Et ça, après des années, si l’autre le supporte, il finit dans un
état de totale dépression, car il n’y a pas d’acceptation. C’est nous qui sommes la cause. Que
dire ?... Ce sont des situations maladives. C’est une grande interrogation
parfois pour moi et pour les autres Pères qui font face à cela. Je pense que
les gens se marient sans avoir le sentiment de ce qu’ils s’apprêtent à faire.
Si vous le bénissez, peut-être faudrait-il faire – car personne ne se rappelle
jamais – une brochure avec les citations et les prières qui rappelleraient les
promesses du Mariage, une pour chaque membre du couple (pour que l’un ne
dise pas « tiens c’est pour toi ça, pour que tu lises », mais
bien pour que les deux le lisent !). C’est un sujet important.
Monseigneur
Cyprien : Oui... Ce que vous dites a été appliqué par
un couple qui, semble-t-il, a la crainte de Dieu et progresse dans le Mariage
d’une façon responsable. Ce même couple imprime des livrets avec l’Office du
Mariage : à gauche en grec ancien et à droite en grec moderne. Ils les
donnent à ceux qui assistent aux mariages afin qu’ils suivent et ne fassent pas
de bruit... Car il y a aussi ce sujet-là : cela devient une telle fête que
l’on n’entend plus rien. Ça n’a plus le caractère du Mystère, de la prière...
C’est une excellente idée, priez pour que cela se réalise !
- J’aimerais dire aussi que beaucoup de couples ne discutent pas : si un
problème se crée dans la famille, ils ne s’asseyent pas pour en parler, à peine
l’abordent-ils. D’habitude l’un est le juge et l’autre le jugé, et cela c’est
un autre gros inconvénient au sein du couple. Il faut que les époux parlent
entre eux...
Un
assistant : Votre bénédiction ! Peut-être
faudrait-il développer : j’ai remarqué que les familles – pas seulement
dans notre communauté – sont négligentes, que les enfants ne sont pas préparés
au Mariage par leurs parents. Les parents ne se chargent pas de préparer les
enfants à acquérir du respect pour l’autre personne. Surtout à notre époque où les valeurs
sont renversées, les autorités disqualifiées, où il n’y a pas d’enseignants...
Tout se termine par une simple procédure, car l’enfant se considère comme le
centre du monde. Peut-être que le problème commence par la famille (puisque nous parlons de synaxe parentale),
que les enfants ne sont pas préparés, surtout pour ce que nous évoquons
là : à créer leur famille plus tard. Peut-être qu’au milieu de tout ce qui
s’est déjà dégradé, les parents s’attachent principalement - car le MOI est bien actif - à la manière
de se satisfaire eux-mêmes à travers leurs enfants ? Et non à faire en
sorte que les enfants tirent profit de leur exemple et se préparent réellement
à un Mariage fécond, fortifié dans le respect de la personne.
Le fait
que beaucoup d’enfants en arrivent à une impasse avec la manière de penser
actuelle, nous amène à nous questionner. Peut-être as-tu oublié que tu t’es
marié espérant obtenir le salut] ? Bien : disons que finalement tu
n’aimes pas cet homme/cette femme, tu as échoué. Mais si tu veux être sauvé(e),
charge-toi de cet homme, de cette femme [c.à.d. assume] et tu seras
sauvé ! Cependant si aucun des parents n’a préparé son enfant pour ce
genre de sacrifice... À propos du respect : nous avons remarqué que cette
notion s’est perdue. Pas seulement envers le divin que l’on ne voit pas, mais
aussi envers l’Homme. Et je crois que ce sentiment d’irrespect fait des
ravages, surtout dans les désaccords qu’il peut y avoir. Ce n’est pas mal
d’être en désaccord : le problème commence dès lors que tu exiges,
que ton avis seul importe au sein du Mariage et que tu domines. Tu es en
désaccord ? Sois prêt à en porter le poids finalement ! Ici je pense
qu’il y a un déficit terrible qui crée des étincelles dans le Mariage, puis sa
mort. Pardonnez-moi : je voulais
compléter ce qu’a dit notre Géronda. Voià, la famille souffre de cela.
Cultive-t-elle l’enfant afin de le préparer au Mariage ? Ou les parents
pensent-ils seulement à ce qu’il ait des diplômes, qu’il devienne propriétaire,
qu’il trouve une bonne femme (mais que
signifie une « bonne » femme » ? Selon de bons critères
mondains ?). Tout cela est lié au thème du respect.
Monseigneur
Cyprien : Je vais vous lire quelque chose, ouvrir une
autre parenthèse, car les choses « pratiques » ont leur importance.
Voici le
cas d’un photographe de 56 ans, marié. C’est lui qui témoigne : « Je
rentre du travail à la maison et elle commence à se plaindre (d’accord c’est un fait habituel, ça
arrive, si tu t’y habitues ce n’est plus si douloureux). Elle trouve
toujours quelque chose à redire, chaque jour je l’entends et elle me gâche
l’humeur, bref je repars. Un soir, je rentre après minuit (il était 2-3h) en me
disant « bah, sûrement qu’elle dort maintenant ». Mais quand j’entre
je la trouve avec une autre compagnie, meilleure apparemment. Et donc je vais
m’asseoir et me morfondre. Elle ne m’estime pas, moi qui travaille toute la
journée pour gagner de l’argent ? »
Mentalité masculine, phénomène courant
n’est-ce-pas ? Irène ? Cela vous dit quelque chose ?
Commentez-moi donc ceci ! Combien d’années de mariage ? Quelle
expérience du Mariage avez-vous, si vous le permettez ?
Irène
Arhondouli (fidèle paroissienne de St Cyprien- et-Ste Justine) :
42 ans ! Gloire à Dieu ! Regardez... ça c’est un fait ; si
en effet l’un des deux ne peut faire preuve de patience, il entraîne l’autre au
péché. Ce n’est pas uniquement que nous ne supportons pas notre compagnon ou
notre compagne, mais si tu rejettes l’autre, il va chercher meilleure
compagnie ! Mais que signifie « meilleure compagnie » :
« Je ne vais pas me casser la tête, il y a de quoi faire ailleurs. »
Exactement, mais cela veut dire que nous
chargeons d’autres péchés sur nos épaules. Les choses ne sont pas simples.
Monseigneur
Cyprien : Puisque nous n’aidons pas notre prochain à
s’élever, à progresser, ensemble bien sûr, alors on le pousse à faire des choix
qui détruisent non seulement le Mariage mais la personne elle-même ! Alors
qu’avec de la bienveillance, de la patience... et non de la grogne… Avec une
concession, un compromis, on s’arrange, on se met d’accord, on pourrait gagner
l’autre.
Irène
Arhondouli: Si un couple (chrétien ou non) qui décide son
Mariage n’a pas réfléchi en Dieu à tout ce que vous avez dit là, s’il n’y a pas
pensé et qu’il le découvre en chemin, à quel point lui sera-t-il facile,
difficile, ou insurmontable de revenir sur la bonne voie ? À ce propos,
vous nous aviez parlé dans une homélie antérieure des trois stades du
repentir... Doit-on suivre cette voie, se repentir, ne pas se retourner pour
regarder en arrière, mais progresser, aller de l’avant, escalader la montagne ?
À quel point ces stades sont-ils faciles ? En avons-nous de nos jours la
possibilité, les jeunes l’ont-ils ? Comment les aider, nous, l’Église, notre communauté ?
Monseigneur
Cyprien : Avec la grâce de Dieu, puisque les conjoints en sont arrivés là. À
un moment, même si cela tarde. C’est pour cela que nous avons cette grande
bénédiction qu’est notre Église. Nous avons notre père spirituel : on
doit choisir un père sur qui on se repose, qui est expérimenté, qui ne regarde
pas sa montre lors de la confession et en qui nous avons confiance. Alors, avec
la grâce de Dieu, on va entendre des mots consolateurs et qui nous guident. Et
petit à petit cela s’aplanira. J’ai fait face à un cas comme celui-ci, un
couple au bord de la rupture : tous deux scientifiques, avec trois
enfants. La situation en était arrivée à un point de non-retour : si la
femme en question avait été quelqu’un d’autre, elle aurait claqué la porte sans
aucun doute. Regardez maintenant comme il est nécessaire d’être missionnaire
(au sens apostolique) : une de ses amies, une voisine, lui a dit :
« Est-ce que tu n’irais pas chez ton père spirituel ? » Jusque-là elle ne l’avait pas fait. Elle est
donc venue, et avec la grâce de Dieu, on lui a donné un peu de patience ;
alors, doucement, elle a commencé à changer. Son conjoint continuait à la
pousser à bout, mais à présent elle avait la patience de la prière, la
Communion, elle progressait. L’affaire n’avait pas cessé, mais elle, elle
avançait. C’est cela qu’il faut.
Maintenant trouver un psychologue ... Ce n’est pas un sujet
psychologique : si j’ai un ego a 100%, que va-t-il me dire pour
cela le psychologue ? Il pourrait dire « sois patient »,
« humilie-toi », mais comme ça, en l’air. Alors que le père spirituel
va te citer dans ses prières, te passer un coup de téléphone au lieu que tu
aies, toi, à penser à la date de ton prochain rendez-vous... et que tu paies en
plus ! Le père spirituel va t’allumer un cierge, te commémorer à la Sainte
Prothèse, à la Liturgie, et avec la grâce de Dieu, doucement, sous l’effet de
la thérapie, le brouillard se dissipera. Voilà pourquoi, frères et sœurs, pour
tous ceux qui ont des enfants, prenez soin de les éduquer ainsi, afin qu’ils
se lient très tôt avec un père spirituel. Mais pas un père qui discuterait
simplement quelques heures : il s’agit là de cultiver en profondeur la
paternité spirituelle, pour avoir un appui dans les moments difficiles qui
vont se présenter et les éventuels moments encore plus durs qui pourraient
suivre...
Écoutez maintenant l’histoire
d’une autre famille : le mari était tombé dans la passion de la boisson,
il buvait tellement (et du whisky en plus !)
qu’il perdait conscience des choses. Et chaque jour cette affaire-là à la
maison ! Mais en plus il buvait tellement de whisky qu’il sortait sur la
route dans le voisinage, la bouteille à la main... Vous comprenez la situation.
Et sa femme restait patiente. Je lui avais téléphoné (car il ne faut pas toujours attendre que ce soient les autres qui
prennent l’initiative, nous aussi on doit le faire) : « Comment
ça va ? etc. ». « Eh, me répond-elle, gloire à Dieu, par vos
prières la situation s’est quelque peu adoucie, il s’est calmé, il
essaie. » Il faut beaucoup de lutte ! Et de soutien spirituel. Les
psychologues, on en a besoin aussi, mais pour les cas de nature clairement
psychiatrique : comme l’angoisse, les choses comme ça, qui sont dans
l’ADN. Quand il y a des personnes qui souffrent de dépressions insurmontables,
là il y a besoin, oui, d’un médecin, mais pas pour les rapports au sein des
couples dans la Famille. Aujourd’hui c’est devenu une mode. Étant donné que nous avons perdu
le contact avec l’Église
et les pères spirituels, notre première pensée va aux psychologues et aux
psychiatres. J’insiste : on n’interdit pas d’avoir recours à ces personnes
– d’ailleurs c’est la profession qui se développe le plus vite dans le monde
(conseil de la famille, santé psychique, etc.), phénomène qui s’explique mais
nous n’aborderons pas ici ce sujet...
Une
assistante : Mon Père, si les épreuves que nous
traversons ne nous aident pas à devenir meilleurs, qu’est-ce qui nous fait
tort ?
Monseigneur
Cyprien : Ce « d’où vient la faute ? » exige
une profonde autocritique et le conseil du père spirituel qui connaît notre
monde intérieur. On est supposé s’être ouvert à lui avec une honnête
confession ; on lui ouvre notre cœur afin qu’il connaisse les passions qui
nous tourmentent et nous tyrannisent, et il va diagnostiquer : que tu ne
progresses pas car tu ne luttes pas contre telle passion, tu es négligent dans
la prière, tu ne la fais pas... Vous voyez, nous, nous voulons que Dieu nous
donne tout automatiquement, sans efforts, mais cela exige de la peine, de la prière, de
la patience, une profonde humilité. Notre père spirituel va nous guider,
avec peu de mots. On ne peut pas prodiguer des conseils généraux, car chaque
cas demande une réponse particulière. Pourquoi quelqu’un ne progresse-t-il pas
dans sa vie spirituelle, ou plus généralement dans une vie commune [en grec l’expression « vie commune »
est exprimée par un seul mot συμβίωση > symbiose*voir lexique] paisible dans le Mariage ? Cela dépend des
cas, qui sont nombreux. Fondamentalement, cela vient de notre façon de nous
embrouiller nous-mêmes : elle est à l’origine de toutes sortes de
désespoirs, chutes et impasses. Le père spirituel, lui, a le don de nous
éclairer, il a la crainte de Dieu, il prie et va discerner quelle est la cause
du dysfonctionnement au sein du Mariage dans chaque situation, car la même
chose ne s’applique pas à tous, comme nous l’avons dit.
- Deuxième question, mon
Père, comment sortir d’une situation devenue malade ?
- Géronda,
pouvez-vous répondre afin de m’aider un peu et que je ne sois pas le seul à
toujours parler... !
Géronda
Théodose : Eh bien, il faut s’approcher du père spirituel
comme vous l’avez dit, en ayant fait au préalable une autocritique, la nôtre.
Pour voir que, par-delà le problème, c’est le « moi-même » dans la
Famille qui est malade : naturellement, ce « moi » blesse les
autres membres de la Famille. Mais nous, comment considérons-nous cela ?
Bien des fois en effet, on peut créer involontairement des problèmes et ne pas
s’en rendre compte. Ainsi, notre comportement peut conduire notre conjoint(e)
par exemple à se mettre à boire, pour « s’en remettre », disons.
Ensuite cette passion devient personnelle, les enfants la voient, s’inquiètent.
On ne peut pas accuser l’autre d’être alcoolique ensuite. Il faudrait peut-être
regarder d’abord en soi-même et se demander « peut-être ai-je contribué à
cela ? », ou lorsque j’ai vu que l’autre commençait à boire,
« qu’ai-je fait pour lui, pour cet homme qui est mon conjoint (ou pour ma
conjointe) ? » Ai-je prié ? Me suis-je agenouillé ? Me
suis-je fixé comme objectif d’aider mon compagnon ? Ai-je pris conseil
auprès du père spirituel, afin de savoir que faire pour aider mon mari ?
Si nous attendons des années dans une situation malade, nous avons déjà
« perdu la partie ». Donc la première chose que nous devons
confesser, c’est notre propre indifférence
face à cela ; qu’il soit arrivé ceci et qu’on en soit arrivé là. Notre
« tolérance » disons. Nous voyons les dégâts arriver, pourquoi le
tolérons-nous ? Ne devons-nous pas faire quelque chose ? Que va-t-il
se passer avec l’âme de mon conjoint/ma conjointe ? ... Pour arriver à ce
genre de situation malade cela veut dire des années comme ça ! Qu’ai-je
fait tout ce temps ? J’étais indifférent et soudain maintenant je veux
aller chez mon père spirituel, pour « appuyer sur le bouton » sans me
donner la moindre peine ?
Monseigneur
Cyprien : La vie en Christ est une vie de thérapie
continuelle, on ne tranche pas au couteau : « Aujourd’hui je suis
pécheur et demain je serai saint ». Il faut un combat spirituel, de la prière,
des métanies, des jeûnes...
Géronda
Théodose : Vous savez, aujourd’hui les enfants ont des
maladies nommées auto-immunes. Ils naissent et ils sont malades, les pauvres...
La plupart des médecins disent que lorsque la femme est enceinte, à partir du
jour où elle l’est, jusqu’à la naissance, quand durant cette période de 9 mois
elle s’inquiète, se dispute, s’angoisse…l’enfant entend. Et après il naît
malade. Quel parent – un père, une mère – s’est-il déjà repenti du fait que ce
soit probablement de sa faute si son enfant est né malade, qu’il en soit la
cause ? « Ah non, nous n’avons rien fait », « Ah ! mon
Dieu pourquoi m’as-Tu fait ça a moi ? », « Pourquoi mon enfant
est-il malade ?! »
Monseigneur
Cyprien : « Moi qui
suis si bon chrétien… Je vais à l’église, j’allume des cierges ... Pourquoi
permets-Tu que cela m’arrive ? » Permettez, Géronda, je me
suis souvenu de quelque chose sur la durée de ce genre de situation malade au
sein du couple. Il s’agit d’un très bel exemple de la Vie des Saints (c’est
pour cela que c’est important de lire la Vie des Saints, leur vie inclut tout ce
que nous disons là, elle comprend tout cela et nous donne des directions).
Ainsi il y avait un Abba* qui avait beaucoup
d’amour spirituel pour un diacre, c’était un Abba du désert. Ils avaient
beaucoup d’amour l’un pour l’autre et vivaient paisiblement. Mais soudainement
le diacre commença à éviter cet Abba, ce Géronda. Dès qu’il le voyait,
il changeait de chemin et ne voulait aucune discussion avec lui. Le Géronda pensa
que peut-être il avait commis quelque erreur qui amenait le diacre à se
détourner de lui. Il se justifiait partout et constamment, il disait : «
Je n’ai rien fait, je ne lui ai rien fait, pourquoi fait-il ça, c’est de sa
faute, etc. » Cependant lorsque ce manque d’amour et d’unité entre ces moines
commença à durer (chez les moines c’est
un sujet très sensible, qui nous bouleverse beaucoup s’il arrive quelque chose
de ce genre entre deux frères qui ont perdu l’amour et l’unité), l’Abba se
mit à se blâmer (là est la clé, lorsque nous disons de faire une
autocritique, il ne s’agit pas de s’auto- justifier, mais de se dire « où ai-je
fauté ? ») Il s’assit et se mit à réfléchir :
« Peut-être ai-je fait quelque chose que j’ai oublié, peut-être ai-je
aigri mon frère et a-t-il raison de se tenir ainsi à distance et de ne pas
accepter une réconciliation ? ». À l’heure où il commença à avoir des
pensées de blâme de soi, à s’accuser lui-même, à supporter l’idée qu’il soit
peut-être en effet en faute, petit à petit il en arriva à la certitude qu’il
était coupable et que le diacre avait raison. Il se mit en chemin afin de le
trouver et lui demander une fois encore pardon. Et alors qu’il atteignait la cellule* du diacre, la porte s’ouvrit et
le diacre tomba à ses pieds en criant : « Pardonne-moi, Abba, de
t’avoir tyrannisé tout ce temps ! » Portez votre attention
là-dessus : le blâme de soi qu’a fait l’Abba a agi spirituellement sur le
diacre, il a reçu de Dieu l’information, la certitude du cœur que ce qu’il
faisait n’était pas correct (et réellement
ce que faisait le diacre n’était pas juste). Ils tombèrent tous les deux à
terre, se prirent dans les bras, se réconcilièrent : telle est la fin de
l’histoire.
Donc je
m’efforce de commencer une vie nouvelle, je fais mon autocritique – non pour me
justifier, mais pour voir réellement et me rappeler mes péchés. Et si je n’ai
pas péché dans le cas présent, j’ai sûrement fauté par ailleurs et Dieu permet
cette épreuve. Au lieu de tout rejeter sur l’autre, prenons tout sur
nous-mêmes. C’est toujours de notre faute. Dans la
chrétienté, ce n’est pas une façon morbide de se fouetter – honte à nous –
c’est une considération/réflexion spirituelle : « Oui j‘ai péché, je ne
suis pas devant Dieu comme je devrais l’être, c’est pour cela que Dieu permet
cette épreuve-ci, cette épreuve-là, que l’autre se comporte ainsi avec
moi... »
Si je
m’humilie, je prends la responsabilité, et là je verrai que, HOOOP, cette
situation « gelée » dont nous parlions va commencer à changer. Car
aussi gelée soit-elle, elle fond en face de l’humilité que l’on va montrer.
Mais une humilité honnête, pas menteuse ni hâtive : un simple
« d’accord, pardonne-moi et finissons-en », ça ce n’est rien. Il faut
un profond blâme de soi, que nous pensions à quel point nous avons chagriné le
Seigneur dans le passé, etc. Et là on dirait : « Oh ! mon Dieu,
maintenant je paie pour ce que j’ai commis un jour, donne-moi de la patience,
illumine l’esprit de mon conjoint afin que passe cette crise. C’est de ma
faute, j’en prends toute la responsabilité. » Je ne sais pas combien de
couples fonctionnent avec une telle mentalité, mais comme vous le comprenez
aujourd’hui, avec tout ce dont nous avons parlé, telle est la base sur laquelle
trouver les solutions à nos problèmes relationnels.
Notre
rapport avec les autres est toujours menacé (« sous la lame du
couteau ») : d’un moment à l’autre – car l’ennemi déteste qu’il y ait
de l’amour entre nous – on peut se retrouver dans l’abîme. On laisse du terrain
à une pensée, et la pensée nous entraîne bien bas. Ainsi cet Abba aurait pu
dire : « Pourquoi me casser la tête, puisque le diacre ne veut pas de
moi ? Je ne veux pas de lui non plus, coupons tout contact, un point c’est
tout. » NON ! Il ne se
serait pas senti tranquille, ni sur le moment, ni après. « C’est mon
compagnon d’ascèse : il me néglige
et m’évite, il faut corriger cela ! » Et comment cela va-t-il
s’arranger ? Il se met à creuser en lui-même (blâme de soi), Dieu
voit sa bonne disposition, le visite, visite le diacre et tout est résolu.
C’est ainsi que doivent travailler en général ceux qui rencontrent des
problèmes, et particulièrement ceux qui affrontent des situations difficiles,
laissées telles pendant des années. Devant Dieu rien n’est impossible ni
insoluble, si réellement nous travaillons. En revanche n’attendons pas de
magie, de solutions automatiques. On peut endurer sur de loooongues
périodes ; faire des prières, des métanies, des chapelets (komboskinis*), allumer des cierges, des
veilleuses, donner les noms [à commémorer] à l’église, faire des aumônes...
« Ma Toute-Sainte, attendris le cœur de mon conjoint, ma
conjointe... Oui, cet argent je le donne aux pauvres pour cette demande, je
T’en prie »
Papa*
Dionysos voulez-vous nous dire quelque chose ? Papa Dionysos est d’une
famille de 11 membres ! Une famille
« hyper-nombreuse » !
Père
Dionysos : La manière dont vous avez tout bien dit ce soir
très vénérable Père, m’a rappelé ma carrière personnelle de hiéro-chantre [prêtre
et chantre]. J’ai assisté à des
milliers de mariages et j’ai gardé depuis longtemps quelque chose en moi :
je pense que ce soir c’est le moment de le dire. Vers la fin du Mariage, le
prêtre prend de la tête des nouveaux mariés leurs couronnes et dit une très belle
prière que l’on va se remémorer ce soir : « Reçois leurs couronnes sans taches, irréprochables, non soumises aux intrigues, dans Ton Royaume des
Cieux ». Ces
couronnes-là attendent les conjoints dans le Ciel, le Royaume, et elles ne
doivent pas se trouver sur d’autres têtes !
Aussi,
outre le père spirituel qui a le premier mot bien sûr, un bon ami spirituel
peut aider. Je connais un cas où un frère spirituel a sauvé le Mariage de son
autre frère spirituel avec cette simple proposition : « Depuis
combien de temps êtes-vous mariés ? » « 35 ans »
répondent-ils... « Il y a 35 ans dit-il, le Christ, la Mère de Dieu et le
Saint-Esprit sont descendus du Ciel et vous ont bénis, maintenant vous voudriez
qu’ils descendent pour vous ‘’dé-bénir’’ ? » Et cette simple image
les a figés, les a fait se ressaisir, céder, progresser et garder leur Mariage.
Autre
chose : j’aimerais mettre en rapport avec la vie monastique des choses,
non pas oubliées, mais auxquelles on ne réfléchit pas/qu’on ne médite pas comme
il faudrait. Le chemin monastique est aussi appelé « joug » et, dans
le monde, nous parlons des « conjoints » (joints ensemble).
Rappelons-nous ces bœufs sous le joug qu’utilisaient autrefois les
agriculteurs, ils ne pouvaient aller ni à droite ni à gauche séparément, mais
ils suivaient ensemble la même direction, sous le joug ! Il en va de même
pour les moines et les couples. J’ai croisé de manière inattendue une dame qui
avait perdu, la pauvre, son mari âgé de 36 ans, et elle m’a demandé :
« Pouvez-vous me dire que je vais revoir mon mari ? ». Il
s’était endormi par suite d’un cancer, et elle l’aimait beaucoup. Et là Dieu
m’a éclairé et j’ai répondu ce « Reçois leurs couronnes sans taches,
irréprochables, non soumises aux intrigues : il t’attend dans le
Royaume des Cieux ! ».
Monseigneur
Cyprien : Évidemment... c’est pour cela que les couronnes
sont considérées comme des objets très sacrés dans la famille, dans le coin des
icônes .
Géronda
Théodose : J’étais allé dans une de nos dépendances et
j’allais faire le plein d’essence, quand je vois, affichés sur les colonnes,
les noms des personnes récemment enterrées. Je vois donc le nom d’un grand père
qui m’était connu (105 ans je crois), dont la femme était dans sa 99e
année, quelque chose comme ça. Je les voyais souvent, amoureux, au bras l’un de
l’autre, assis côte à côte. Comme je faisais le plein, elle me voit, s’approche
clopin-clopant, toute ronde, très joyeuse, toute petite. Elle s’approche et
dit : « Que le Seigneur pardonne à Théodore, il s’est
endormi... ». Puis elle me prend par le rasso*, me regarde avec ses grands yeux gonflés et rougis par les
larmes qui se mettent à couler de plus belle, et dit : « Comme
il me manque, si seulement je pouvais juste le regarder !… ». Et elle part
en pleurant. J’ai été si touché : quel amour avaient ces gens-là !
Aucun problème entre eux, tout ce qui pouvait les séparer, ils le laissaient de
côté. Et j'ai pensé à moi : « Oh ! misérable, est-ce que tu as,
toi, autant d’amour pour le Seigneur que cette femme pour son
conjoint ? ». Elle qui, en partant, disait encore : « Va-t-on se
rencontrer ? »

Monseigneur
Cyprien : Ça, c’est l’amour véritable. Je voudrais
revenir sur ce qu’a dit Père Dionysos à propos des couronnes du Mariage. Comme
nous le savons, c’est un moment très important du Mariage, ce couronnement des
époux. Suit le Tropaire des Saints Martyrs, le Saint Chœur [quand
le prêtre prend les conjoints par la main et leur fait faire trois fois le tour
de la table]. Cette pratique et
ces paroles chantées soulignent exactement la grandeur du Mariage : que
c’est précisément un martyre et que les conjoints sont couronnés. Avec ces
couronnes, et avant le Mariage, les deux personnes qui s’unissent en Christ ont
lutté, et elles sont couronnées avec les martyrs. On chante la même chose que
lors de l’ordination d’un prêtre : « Saints Martyrs qui avez combattu
noblement et dans le Ciel avez été couronnés ... Isaïe, danse d’allégresse…,
etc. » C’est pour cela que nous devons aider ceux qui vont se marier
aujourd’hui : à quel point en effet ont-ils conscience que le Mariage sera
un martyre ? Non pas dans le sens négatif du martyre, mais un martyre
pour notre Christ. Nous sommes appelés à vivre en surpassant les
difficultés, car le Mariage conduit au Ciel, auquel nous ne pouvons accéder sans
difficultés. « Saint Martyrs, bons athlètes » : c’est très
touchant, ce symbole des couronnes avec lesquels sont couronnés les époux,
touchantes aussi sont les paroles dites lors du Mariage. Nous, les pères
spirituels, devons aider : « Attention, demain c’est le Mariage, tu
vas entendre ceci, tu vas entendre cela ... L’as-tu compris ? L’as-tu
médité ? L’as-tu approfondi ? Où vas-tu ? » Je me marie avec une
belle promenade et des fleurs sur le chemin, mais c’est une grande lutte, une
lutte pour la sainteté. Et j’ai un compagnon*
à mes côtés, un homme que je vais aider et qui va m’aider : quelle
grandeur !
Sœur
Seraphima : Pour les personnes qui s’approchent du Saint
Baptême, il y a une catéchèse ; il y a pour le moine une épreuve qui est
une sorte de catéchèse s’étendant sur quelques années [le
noviciat] car le Géronda
est un enseignant. Pour le Mariage, ce que vous avez dit aujourd’hui est une
sorte de catéchèse, non ? Une initiation ? Y a-t-il dans l’Église une procédure qui serait
une catéchèse consciente pour le Mariage, ou pour une raison quelconque n’y
a-t-il encore rien de particulier ?
Monseigneur
Cyprien : Il n’y a rien de particulier non, mais s’est
développée une pratique comme nous en avons parlé plus haut : des prêtres
possédant la crainte de Dieu qui, avant le Mariage, appellent le couple à
plusieurs rencontres – si bien sûr les futurs mariés sont bien disposés et
acceptent l’invitation du prêtre. Car il y en a qui prennent le téléphone
seulement pour fixer le jour du Mariage, et peu leur importe que le prêtre les
connaisse ou non... C’est comme ça que l’on organise un mariage ? Je ne
vais pas te voir, te dire cinq mots, te poser des questions, te rappeler ou te
donner une lecture adéquate pour t’aider à te préparer, afin que tu
approfondisses tout cela ? Lorsque nous sommes allés en Allemagne, nous
avons rencontré une de nos fidèles dont la fille fréquente un Grec de
là-bas ; tous deux médecins. Quand ils ont pris la décision de progresser
et de se marier (écoutez bien), sans que le prêtre le propose encore, le
garçon - cela témoigne de sa bonne
volonté - a demandé à Père Angelos l’office du Mariage afin de le méditer
en amont. De méditer sur « Qu’allons-nous dire, qu’allons-nous
faire ? Je vais me marier, là c’est sérieux. » C’était très touchant,
car cela montrait qu’il voulait entrer dans le Mystère du Mariage en connaissance de cause ! Mais à
part l’office du Mariage il y a d’autres livrets qui parlent plus ou moins de
tout ce que nous disons ici : la
base théologique du Mariage, sa base christologique, car le Mariage est une
icône de l’union du Christ avec l’Église, comme le dit l’apôtre Paul. C’est un grand Mystère.
Comme le Christ s’est fiancé avec l’Église, s’est uni à elle, a sanctifié l’Église de son Vénérable Sang,
ainsi les époux s’unissent toujours dans
l’optique du Salut, d’une Vie chrétienne en Christ.
Père
Georges Ian : En écoutant notre synaxe d’aujourd’hui, mes
pensées vont au manque de discussions constaté dans notre Église sur la théologie du
Mariage. Il en résulte que les couples n’ont plus la vision de la chose, qu’ils
ne connaissent pas l’eschatologie du
Mariage [ndlr. : Il
ne s’agit pas seulement d’un fait du présent, délimité dans ce monde, dans
cette vie, mais d’un fait qui s’inscrit dans l’éternité, qui reste actuel, réel
et éternel dans la vie après la mort]. Comme en témoigne mon expérience de père spirituel de couples, dans
certains cas la situation peut être encore plus tragique, car on a une
théologie du Mariage déformée. On a une vision difforme de l’intérieur :
on rencontre cela chez des personnes qui ont un but, qui pensent avoir une
vision chrétienne du Mariage, alors qu’en réalité il s’agit d’une illusion [прелесTь en ru.].
Comme
vous l’avez dit au début, nous avons une procédure ; nous avons de l’amour
pour nous-mêmes et voulons atteindre l’amour de Dieu : tel est l’objectif
de la vie en Christ. Et pourtant cela se perd, soit dans le monachisme, soit
dans la vie conjugale. Bien que dans la vie conjugale on n’atteigne pas
directement l’amour de Dieu, on passe à travers l’amour envers le conjoint, la
conjointe. C’est la philanthropie
(l’amour des hommes) qui amène à la philothéia (l’amour de Dieu, φιλοθεΐα) et inversement. Je
parle ici de couples qui vivent en conscience une vie en Christ : or si
dans un mariage qui est installé, disons, depuis dix ans, on remarque que
l’amour entre les conjoints, non seulement n’augmente pas avec les années mais
décroît, c’est le signe d’une crise profonde.
Et je
voudrais mettre aussi l’accent sur ce que nous voyons chez les couples qui
souvent pensent ainsi : « J’ai échoué avec mon conjoint, mon cœur
n’éprouve plus d’amour pour lui, alors je vais me replier sur la vie
spirituelle, puisqu’il ne répond pas à l’effort que je fais depuis tant
d’années. » Voici donc une vie commune typique : comme il y a encore
de bons moments, la crise conjugale peut ne pas être diagnostiquée. Cependant
l’âme du Mariage est morte, le corps n’est plus. Alors que font les conjoints ?
L’un des deux, ou chacun séparément, va essayer de combler ce manque par une
profonde vie spirituelle : ce qui a échoué avec mon conjoint/ma conjointe,
je vais le réussir avec Dieu. Et nous constatons que cette personne va venir
souvent chez le père spirituel et sera très minutieuse pour appliquer en
détails la vie spirituelle dans laquelle elle trouvera du repos : mais
elle ne comprend pas du tout le danger qui règne là ! Ce peut être un
simple fantasme et non un réel amour pour Dieu, et être même considéré comme de
la vertu. Cela revient à penser : « Gloire à Dieu, j’ai échoué dans
mon Mariage : dans un sens mon amour a été ainsi libéré et je peux le
dédier à Dieu. »
Monseigneur
Cyprien : Donc : mon conjoint est au plus bas, je
le laisse à son sort, et moi je m’élève vers Dieu. Je le vois aussi dans la vie
monastique, car l’amour qu’il y a dans un couple ne doit pas seulement
se conserver, mais augmenter et se renouveler constamment. Il
faut trouver des moyens dans la Famille, dans le couple, de renouveler et
d’augmenter l’amour initial, car ce qui unifie est, oui, la grâce du
Saint-Esprit, pourvu qu’il y ait de
l’amour en nous.
Cela arrive aussi avec le moine lorsqu’il perd le
contact et l’amour avec la fraternité et particulièrement avec l’higoumène.
S’il ne conserve pas cet amour à un degré élevé et ne prie pas pour lui afin
qu’il augmente encore et toujours, alors le moine commence à fléchir : il
peut faire des métanies, ses canons et devoirs monastiques, mais le critère du
progrès du moine c’est son lien avec le Géronda. Ce ne sont pas des
rapports typiques : je fais obéissance point, mais c’est un lien d’amour
intérieur .
- Et de profond amour. Si avec les
années ne s’allume pas la flamme du profond amour, quelque chose ne va pas.
- Pourtant cette altération du rapport
avec l’autre membre du couple ne provoque pas d’inquiétude mais suscite même du
contentement : j’ai trouvé mon Dieu, en m’éloignant de la personne avec
laquelle Dieu m’a unie » et on pense qu’ainsi on s’approche de
Dieu ... Il y a là beaucoup d’ignorance et l’absence d’une profonde
connaissance des choses... En effet c’est par l’amour des hommes que nous
atteignons l’amour de Dieu. Par « amour des hommes » (φιλανθρωπία), nous entendons
l’amour entre les époux. Car autant cet amour est cultivé et approfondi, autant
augmente l’amour envers Dieu. À travers cet amour, l’apôtre Paul le dit, aimez les membres, nous sommes un seul
corps, si tu n’aimes pas les membres, comment vas-tu aimer le corps ?
C’est un sujet très subtil, très sérieux.
Père
Georges : En tant que père spirituel, j’ai observé
un(e) chrétien(ne) qui montre en effet du zèle pour la vie spirituelle, tout en
éprouvant une profonde indifférence quant à l’échec de son Mariage. Au début
j’avais du mal à analyser et comprendre cela. D’un côté la personne redouble de
zèle pour fréquenter l’église, pour communier fréquemment, se confesser... et
de l’autre elle manifeste une totale indifférence pour le manque d’un amour
profond et réel dans la vie conjugale...
Un
assistant : Nous avons abordé le thème de la catéchèse
des futurs jeunes mariés et des futurs moines, je pense que cette catéchèse ne
peut avoir lieu la veille du Mariage :
il faudrait que cela commence très tôt, à partir de l’enfance. En effet
si l’enfant n’a pas appris à surmonter les difficultés, à pardonner, aimer,
endurer ... il ne l’apprendra jamais, ce n’est pas à 25 ans qu’il
l’apprendra ! Dépasser son « MOI », renoncer à soi-même, c’est
cela le sacrifice de soi. C’est quelque chose qui doit être cultivé très tôt,
pour qu’arrivé à un certain âge on puisse l’appliquer. Si on n’est pas exercé à
tout cela, on ne pourra pas affronter les difficultés. De nos jours, un enfant
d’un an et demi gouverne...Que peuvent apprendre à un tel enfant les maitres et
maitresses ? Auparavant, jusqu’à 7 ans sa mère et sa grand-mère l’avaient
encore dans leur étreinte et façonnaient son caractère.
Monseigneur
Cyprien : Les parents aujourd’hui doivent se retrousser
les manches, ils ont une immense responsabilité, et dans leur rapports mutuels
dans la personne de l’ « androgyne, et envers leurs enfants. Une très
grande responsabilité.
Géronda
Théodose : Je parlais une fois avec un psychiatre, à qui je
demandais son avis sur l’homosexualité, sujet brûlant de nos jours. Et il m’a
donné son avis de scientifique : si dans un couple, la femme détruit
l’image de son mari, de l’homme, en l’insultant
continuellement : « Il est inutile, il est comme-ci, il est
comme-ça, ton papa fait ceci, etc. » ; de même si le mari détruit
l’image de sa femme devant sa fille : ensuite les enfants ont 40% de
probabilité de devenir homosexuels. Pourquoi ? Parce que le Mariage, dans
leur arrière-pensée, est une torture. « Pourquoi me marier, pour tâter du
bois ? Pour supporter cette femme/ cet homme ? » On a une
immense responsabilité dans la famille qui est la première cellule. Les parents
ont l’immense responsabilité de catéchiser les enfants, en commençant par leur
propre exemple.
Par rapport à ce qu’a dit Père Georges, si je me
casse la main (Dieu m’en garde) je ne
vais pas dire « ah ! tiens, voilà une occasion pour prier
maintenant », je vais courir à l’hôpital pour soigner ma petite main ...
Quand l’autre membre est couvert de blessures, brisé, défait, qu’il s’est
éloigné de Dieu, s’est retranché dans la solitude, est-ce-que je dis :
« C’est une occasion pour prier » ? Pourquoi je ne cours pas le guérir ? Se tourner de la sorte vers une vie spirituelle, c’est pour son
soi-même, pour satisfaire son ego. Naturellement c’est et ce sera un
grand péché devant Dieu lorsque partira cette personne. Elle en répondra devant
Dieu, car dans le Mariage elle n’aura pas cultivé son prochain, mais son ego.
Georges
Petsekistis : Bénissez ! Merci beaucoup pour cette
très belle analyse du Mystère du Mariage. J’ai été consterné par ce qu’a dit le
Père Théodose : 90 à 95% des couples qu’il confesse ont de terrifiants
problèmes au sein de leur Mariage ... Il y a quelques années je me trouvais à
Serrès avec mon épouse : c’était après Pâques, et le métropolite Grigorios
de Thessalonique organisait justement une synaxe sur le thème de l’Amour.
L’assemblée regroupait des couples de trois villes différentes, qui avaient des
problèmes très sérieux au sein de leur Mariage. Le métropolite s’était chargé
depuis quelque temps déjà – quelques années – de créer des groupes pour ces
problèmes-là, puis il enseignait et conseillait lui-même les couples en
analysant les problèmes qui les faisaient souffrir. J’ai été bouleversé
là-bas : beaucoup de larmes, de joie, de reconnaissance de la part des
conjoints de ces trois villes envers le Vénérable Grigorios. Car après avoir eu
ces réunions de groupes, ils ont compris et reconnu pour la première fois leurs
erreurs et leurs passions, ont confessé publiquement leur situation, leurs
soucis. Ils ont vu pour la première fois quelles énormes fautes ils avaient
commises dans leur Mariage, et d’autres couples qui étaient plus avancés spirituellement
ont pu aider leurs semblables à comprendre où ils étaient en tort. Pour la
première fois, ils ont connu leur moi intérieur, leurs propres passions, leurs
propres fautes grâce à la critique publique et à l’analyse menée avec les
autres couples. Puis ils ont senti pour la première fois de l’amour pour leur
compagnon, pour leur mari, leur conjoint ou leur conjointe, et vous n’imaginez
pas à quel point ils pleuraient ! À ce moment-là j’ai été bouleversé et j’ai
réellement vu l’aide pratique et essentielle que le père spirituel peut donner
à ses enfants spirituels – en dehors de l’apport théologique et de l’amour.
Irène
Arhondouli: Nous vivons dans un environnement obscur et
si la situation qui nous entoure nous déconcerte – le péché, le vote de la loi pècheresse du
mariage homosexuel…–, nous, comment répondons-nous ? Cultivons-nous notre
moi intérieur spirituellement ? Forgeons-nous notre Mariage ? Notre
vie commune est-elle un exemple pour nos enfants ? Veulent-ils s’en
inspirer ? Quelle est notre erreur pour qu’on en arrive au divorce ?
Réagissons-nous avec discernement, légitimité et prière au mal qui nous entoure ?
Et en même temps, ne devons-nous pas nous forger un front intérieur et une
défense ? Le mal est-il à l’extérieur ou à l’intérieur de nous ?
Monseigneur
Cyprien : Cette question a bien sa place ici. En effet,
vivants dans un environnement où règnent l’apostasie - elle est à son comble - et l’éloignement de Dieu, nous devons
augmenter et fortifier le front intérieur. Personnellement et en groupe, l’un
aidant l’autre. Actuellement, nous sommes happés par un environnement qui
inlassablement se diabolise en tout et sans cesse, nous vivons dans un
environnement de moins en moins christocentrique. Cela doit nous rendre actifs
sur le plan spirituel, allumer en nous un signal d’alerte : danger ! Nous devons essayer pour nous-mêmes, pour notre conjoint(e), dans notre
famille et dans l’Église, d’approfondir, d’augmenter ce lien que nous avons avec notre Christ,
de L’aimer toujours et de plus en plus, de nous sacrifier pour Lui, pour notre
Foi, de cultiver constamment notre état intérieur spirituel au point d’avoir
comme compagnon le Saint-Esprit demeurant au fond de notre cœur, afin qu’Il nous
protège de ce mauvais entourage.
L’environnement ne va pas s’améliorer, il va devenir encore pire :
cela il faut l’avoir à l’esprit pour de bon, je le vis à mon niveau personnel.
En nous fondant sur la Bible et l’Apocalypse, n’attendons rien de mieux,
n’attendons pas que le bien vienne de l’extérieur, que les changements arrivent
de l’extérieur. Cela doit nous rendre d’autant plus vigilants, de sorte que
NOUS, nous soyons unis au Christ et que le fleuve ne nous emporte pas. Un
véritable torrent, comme disait notre Père d’Éternelle Mémoire [Métropolite Cyprien I
+17.05.2013], descend impétueusement et ravage tout, et si nous ne sommes pas
unis à notre Christ, les changements extérieurs ne vont pas nous sauver. Et
même si la loi du mariage homosexuel est écartée, les faits sont là, la réalité
est palpable. J’ai lu un texte ces jours-ci sur le progrès de l’homosexualité
par rapport au mariage et indépendamment du mariage dans le monde entier ... ça
galope ! L’Indonésie est la plus intacte avec 2% d’homosexuels. Quand on
imagine ce qui se passe en Europe ... on marche vers le « full » !
Nous
maintenant, avec l’aide de notre père spirituel, nous devons vivre notre repentir. Le repentir est une lutte, un combat implacable et
continuel. Être en état de repentir signifie se trouver dans la grâce du Saint-Esprit,
et si nous avons la grâce de l’Esprit Saint le Seigneur va nous protéger, nous-mêmes
et toute notre famille. Malgré les difficultés, nous prendrons patience,
« Dieu est là, ça va passer. » Même si nous nous trouvons dans une
mauvaise passe, à un moment donné Dieu va intervenir et dissoudre l’œuvre de
Satan. Comme le dit la Sainte Apocalypse, le dernier mot c’est le Christ qui
l’a et non l’Antéchrist. À la fin des
temps nous n’attendons pas l’Antéchrist, nous attendons notre Christ, ne
l’oublions pas ! Et comme le diable le sait, il essaie de nous éloigner de nos liens avec notre Christ, de sorte
que nous soyons prêts à nous rendre lorsqu’il arrivera [l’Antéchrist].
Donc : augmentons notre effort pour et dans la vie spirituelle, NE
NOUS LAISSONS PAS ENTRAINER PAR L’ESPRIT MONDAIN. Toute la culture, la
politique actuelles sont un environnement à cause duquel – qu’on le veuille ou
non - on tombe dans le péché ; voilà pourquoi nous devons constamment nous
trouver dans un esprit de repentir. Toutes ces chutes provoquées par ce qui
nous entoure, corrigeons-les vite par le repentir, trouvons-là notre appui, car
le timonier de notre bateau c’est notre Christ ! Soyons confiants envers Lui,
soyons en prière, en état de repentir. Ne nous laissons pas emporter par les
exemples vus dans le monde : la plupart du temps en effet, si les mariages
échouent, c’est que les conjoints reçoivent et acceptent les tentations qu’ils
voient dans cet environnement et surtout à la télévision, avec tous ses
contenus. Elle promeut et montre des modèles qui sont contre le Mariage :
tout est contre le Mariage, et plus généralement contre la vie en Christ. Nous
voyons maintenant tant de belles femmes dans les vidéos, sur les réseaux
sociaux, à la TV et nous prenons cela pour un modèle. « Je vais me
marier ; il faut qu’elle soit parfaite » – et on met tout en œuvre
pour : le barbouillage, les retouches, etc.
J’ai lu
dernièrement un très bon texte qui prodiguait des conseils aux mères sur la
manière d’aider leurs filles à détruire l’image qu’elles voient à l’écran.
Ainsi la mère va prendre son enfant, la mettre devant l’image et lui
dire : « Mon enfant, ne pense pas que ce que tu vois est aussi joli
qu’il y paraît. Si nous faisions un zoom,
tu verrais que la truelle lui est passée dessus. Si on enlève tout cela, la
réalité est différente. Ne prends pas comme modèle cette vie libérale… »
La vie
en Christ est un martyre ; c’était, c’est et ce sera tel. Dans le passé,
il y avait des martyrs. Aujourd’hui, il y a les martyrs de la conscience, comme
le dit très bien Saint Athanase. Et s’il vous plaît, je vous prie de ne pas
seulement « aller à l’église », mais aussi de ne pas « partir de
l’Église »
en acceptant des exemples qui blessent et altèrent notre conscience. Notre
conscience se modifie et nous perdons de vue notre objectif : que nous sommes à l’image de Dieu et
que de l’image, nous devons passer à la ressemblance. Nous devons
devenir dieux par la Grâce. Tel est notre but, notre saint but. Et les Saints
Pères le disent, nous y parviendrons grâce à notre Frère. Dans le Mariage à
travers le conjoint/la conjointe et les enfants, et dans la vie monastique à
travers notre Géronda, Gérondissa, notre frère, notre sœur ...
Nous
avons une grande lutte ne l’oublions pas. La sainteté est notre objectif,
le plus saint et le plus élevé des objectifs. Les autres nous disent
ce qu’ils veulent ... mais nous, peu nous importe ce que dit le Monde, les
législations : toute loi n’est pas
éthique !
Un assistant
interrogé : J’ai une très douce expérience du Mariage (et je ne le dis pas parce que mon épouse
est derrière moi, je le dis même en son absence !). Il faut que nous
soyons des propagandistes du Mariage au sens propre du terme, en proclamant la
grandeur du Mariage avec toutes ses
difficultés ; tout n’est pas toujours doux, disons que c’est une
« joigrin » (joie+chagrin = χαρμολύπη). Mais pour maintenir le mariage et enseigner à
nos enfants, il faut que nous soyons respectueux, et ne pas nous contenter de
parler, car le meilleur enseignement c’est l’exemple. Pour inverser le climat
qui nous entoure, il faut soutenir notre Mariage, le cultiver encore plus afin
de faire envie aux enfants !
Irène
Arhondouli : Merci beaucoup, et puisque nous sommes tous
frères, j’aimerais rapporter quelque chose de ma petite expérience du Mariage.
Lorsque j’avais 25/30 ans, les petits soucis que j’avais avec mon conjoint, je
les voyais comme une montagne ; à l’époque je n’avais pas de vie
spirituelle (non pas que je sois meilleure maintenant...) Après avoir fait
connaissance de notre Père d’Éternelle Mémoire et de Vous, j’ai pris conscience
de certaines choses, et j’ai commencé à me dire « sois patiente, n’en fais pas
un concert/une montagne », et cela a fait doucement son travail en moi.
Ensuite, j’ai commencé à me dire « eh ! dis donc toi, tu ne fais
jamais rien ? Puisque que toi-même tu n’es pas blanche, pourquoi vas-tu
chercher noise à ton mari et le reprendre sur ce qu’il a fait ? » Et
cela pendant une certaine période. Puis, à propos de quelques difficultés, j’en
suis arrivée à me dire « bien, c’est pour ces futilités que tu t’agites
depuis tout ce temps ?! » Je les considérais désormais comme des
raisons indignes de trouble. Exactement ce que vous avez dit plus tôt, que la
culture se fait petit à petit. Qu’il ne s’agit pas d’appuyer sur un bouton et
tout s’éteint, le Mariage devient tout rose... Ça ne se passe pas comme ça.
Cela nécessite un combat, de la prière, des discussions avec le père spirituel,
sa direction et de la patience. Et le blâme de soi-même. Quand j’en suis
arrivée à me dire « toi que fais-tu ? », alors seulement j’ai vu
une amélioration.
-
question : Lorsqu’un couple parmi nos connaissances
vit une situation « malade », comment pouvons-nous l’aider, quelle
démarche suivre, car bien souvent lorsqu’on est malade on ne pense pas avoir
besoin d’aide ?...
Père
Athanase : C’est un grand sujet ! Étant donné que ces personnes ne demandent pas d’aide,
je dirais que tout dépend des critères, de la façon dont nous évaluons
la situation, de la connaissance que nous en avons. Si nous savons et
comprenons certaines choses, si nous sommes mûrs spirituellement, si nous
saisissons que la situation est réellement difficile et voulons vraiment
aider : dans ce cas, parce que nous souffrons pour des proches, nous
allons faire quelques allusions. S’ils s’ouvrent alors de manière particulière,
ou plus générale, alors avec discernement nous pouvons aborder le sujet. Comme
cela est rapporté dans la Sainte Écriture, il faut premièrement que NOUS vivions
dans la joie (spirituelle), en espérant tout, en endurant avec patience les
afflictions et en persévérant dans la prière. Mais comment va-t-on dépasser le
problème si l’on a des idées préconçues ? Je vois que souvent les gens
tirent des conclusions rapides et disent : « Cette
situation n’est pas saine », « Combien de temps vas-tu encore
patienter ? », « Mon conjoint/ma conjointe est dominé/e par ces
symptômes. » Bien. Pardon, mais n’as-tu pas aussi la
responsabilité de ton choix ? Ne dois-tu pas prendre la responsabilité de
cette personne qui est ton mari/ta femme ? Sur cette question, puisque le
couple ne demande aucune aide, il faut procéder avec discernement, avec amour si l’occasion t’est donnée de rentrer
dans les problèmes internes, si cela
t’a été permis. Autrement...
Monseigneur
Cyprien : Permettez-moi d’ajouter quelque chose, car
ce que vous dites je l’ai rencontré. La première chose que nous devons mettre
en œuvre c’est
notre propre prière pour ce couple. Sans qu’ils le sachent, nous prions
pour eux, nous faisons une Paraclisis*
(un Moleben) pendant un certain temps, pour que s’entrouvre une porte et
qu’entre un rayon de lumière. Et avec la prière jointe à la bonne intention,
cette ouverture petit à petit s’élargira et le rayon de lumière pénètrera sans
que nous le comprenions. Dieu éclairera notre esprit. Bien des fois, j’ai
rencontré des personnes dont j’ignorais les problèmes, et au fil de la
conversation je me suis mis pourtant à leur en parler : chose étrange et
mystérieuse ! « Éclaire-moi Seigneur » et soudainement ... on se
met à découvrir des choses ignorées de l’autre. Voyez, c’est un mystère auquel
on ne peut pas appliquer une logique réaliste. On parle ici d’une foi pratique,
on laisse les choses à la grâce de Dieu. Évidemment nous laissons ceci à la grâce de divine,
mais de notre côté faisons ce que nous pouvons : prière et gentillesse
dans notre comportement
Père
Athanase : Quelquefois, le père spirituel se retrouve
aussi dans des situations difficiles. Voici un exemple avec un frère en
Christ : j’ai été contraint de lui dire « Je vois que tu as un
affaissement spirituel, que tu n’es pas bien ; calme-toi donc, passe-toi
en revue et reviens pour une confession. » Je savais certaines choses,
mais je ne pouvais pas les lui dire, ce n’est pas au père spirituel de se
confesser. Mais je l’ai poussé à se réveiller : « À ce que je vois, tu n’es pas
bien, reconsidère ceci, cela ; je vois que tu as une propension à faire du vacarme… ». Peut-être que
pour un couple, un frère spirituel pourrait attraper un des deux membres et
avec courage lui dire « Frère ...,
je te vois un peu inquiet, peut-être voudrais-tu partager quelque chose avec
moi ? Il se passe quelque chose ? » Avec amour ! Une autre
fois j’ai pris à part une tierce personne qui avait une bonne tenue spirituelle
à ce moment-là, et lui ai dit : « Je t’en prie, parle avec le
frère…, demande-lui : Comment ça
va ? Tu n’as pas l’air très bien... » Et comment discerner que ce
frère ne va pas bien dans sa vie chrétienne ? Il ne s’approche pas du
Saint Calice ! « Je ne te vois pas t’approcher de la
Communion. » Comme le disait Père Georges, pour ces couples dont l’un est
dans le brouillard : ne
sais-tu pas que c’est un empêchement pour participer à la Communion que de
n’être pas réconcilié avec la première personne pour laquelle tu devras rendre
compte devant Dieu ? Père Dionysos nous parlait du joug que portent
les bœufs : pourquoi les mettait-on sous un joug ? Premièrement, pour
qu’ils ne dévient pas. Deuxièmement, parce qu’ils n’étaient pas de force égale,
l’un étant plus faible que l’autre. Le plus fort entraînait le plus faible, il
ne partait pas cent mètres plus loin pour le perdre. Voilà, ce sont des choses
pratiques !
Monseigneur
Cyprien : Nous allons finir là, car ce thème est
interminable ! Mais à la première occasion nous y reviendrons. Je ne suis
pas le seul à en parler, mais l’expérience diffère des simples mots et c’est
une grande bénédiction. Je remercie le Seigneur chaque jour de m’avoir rendu
digne de devenir moine et d’apprendre à me connaître moi-même.
L’archevêque Théophile d’Alexandrie rendit un jour visite à un skite du
désert, non loin de la capitale Les pères sortirent pour l’accueillir, ils
s’assirent et l’archevêque demanda à l’higoumène : « Géronda,
tant d’années sont passées, qu’as-tu compris ici, au milieu du désert, dans
cette vie ascétique, avec les jeûnes, les ascèses... ? ». Il répondit : « Mes très vénérés et
respectés frères et saint pontife, voici ce que j’ai appris : je me suis connu
moi-même et j’ai appris à me blâmer. »
Et l’archevêque d’Alexandrie lui répondit : « Telle est
la meilleure des voies. »
En effet, lorsqu’on se connaît soi-même, on
s’accuse soi-même. Le blâme de soi est un thème tres important, très
profond ; l’Église
nous en a donné des exemples, ainsi que les Saints Pères. Cependant je ne le
vois pas aussi souvent que je le souhaiterais chez nos enfants spirituels.
Blâme de soi ... C’est toujours l’autre qui est en tort, nous nous n’avons
jamais rien fait. Et ensuite nous parlons de relations
« toxiques » : mais quant aux personnes et liens toxiques,
lorsque nous ferons une « endoscopie » [du gr. endos, dedans et skopein,
examiner], peut-être constaterons-nous alors que nous sommes nous-mêmes bien
plus toxiques que nous ne l’imaginions. Quand on se découvre soi-même, alors on
prend un tournant : prendre connaissance de soi-même, c’est la meilleure
des connaissances, car la connaissance de soi est une voie qui conduit à la
connaissance de Dieu. On ne peut L’atteindre si l’on n’est pas d’abord passé
par une profonde connaissance de soi. Ainsi c’est une grande bénédiction de
Dieu lorsque nous traversons des épreuves, car elles taillent notre cœur dur
afin qu’il ramollisse, prenne conscience de son état de pécheur, et se blâme
lui-même. Tel est le plus grand gain. Ainsi n’évitons pas les difficultés, mais
disons : « Seigneur, Toi Tu le sais, mon âme a besoin
d’être guérie, que je me souvienne de mes péchés, que je les pleure, que je ne
voie pas que les autres sont toxiques, alors que je suis bien pire. Merci de
permettre que je sois ainsi éprouvé, Amin. »
GLOIRE À DIEU POUR CHAQUE CHOSE !
LEXIQUE
ET DÉFINITIONS
Abba : ancien moine expérimenté, père du désert
qui a passé sa vie dans l’ascèse.
Androgyne : (du gr. ανδρός,
homme et γυνή, femme) Se dit d’un être qui tient des deux sexes.
Cellule : chambre du moine.
Cénobion : communauté monastique (ou cœnobium) de moines
regroupés autour d’un ancien, d’un Père spirituel, les moines cénobites. Leurs
repas sont pris en commun et tout leur est commun. Compagnon : (du lat. cum,
avec et panis, pain) Homme qui
accompagne qqn, « qui partage son pain avec ».
Conjoint : en gr. σύζυγος,
si-zigos ; ensemble-joug.
Eucharistie : action de grâces, reconnaissance. Mais
aussi : Sainte Communion.
Komboskini : chapelet (en gr. kombo-skini :
noeud+corde).
Epitrachilion : étole du prêtre.
Evergetinos : recueil
de paroles et d’enseignements des Pères composé par le moine Paul surnommé
l’Evergetinos. Fondateur du monastère de la Vierge Evergètis à Constantinople (ευεργέτης, évergètιs, bienfaiteur).
Géronda : Ancien, Père spirituel. Higoumène. Gérondissa
chez les femmes. Starets en ru.
Gérontikon : recueil des sentences des Pères du désert.
(du gr. γέρο,
ancien).
Hésychasme : (du gr. ησυχία,
izy-hia, hésychia) Tranquillité, silence, calme, éloignement.
Hiéromoine : moine et prêtre.
Higoumène : Père supérieur ou Mère supérieure d’un
monastère.
Métanie : petite métanie, inclinaison du buste, la
main droite touchant le sol. Grande métanie, prosternation jusqu’à terre. Ce
mot signifie aussi pénitence et repentir en grec.
Neptique : (du gr. νηψις,
nipsis, sobriété, vigilance). Se dit de ceux qui pratiquent la prière du cœur
et gardent leur attention – leur intellect – fixée en Dieu. Philocalie des
Pères Neptiques. Se dit d’une intelligence maîtresse d’elle-même, appliquée.
Paraclisis : En ru. moleben, молебен. Office de prière dont le plus connu est celui
dédié à la Mère de Dieu. Il contient un canon divisé en odes et stichères.
Pensée : le terme gr. logismi signifie pensées en général, mais désigne souvent dans le
langage ascétique les mauvaises pensées, les pensées passionnées suscitées en
l’homme par le démon. Ou encore les pensées tenaces, obsédantes qui troublent
le silence (hésychia) intérieur et contre lesquelles il faut lutter.
Philocalie :
anthologie de textes spirituels, éditée au XVIIIe siècle par les Sts
Nicodème l’Hagiorite et Macaire de Corinthe, et se rapportant à la vie
ascétique et à la pratique de la prière de Jésus.
Prothèse, Proscomédie : autel latéral situé au nord du sanctuaire,
sur lequel se fait la préparation des oblats (pain et vin qui seront consacrés
à la Divine Liturgie) et des parcelles de commémoration des vivants et des
défunts qui seront versées dans le Calice.
Rasso(n) : manteau ecclésiastique noir à larges
manches, descendant jusqu’aux pieds, porté par les moines et les clercs.
Skite : groupement ou habitation occupée par un ou
plusieurs moines. Petit monastère dépendant d’un autre plus grand.
Symbiose : (en gr. συν, avec
et βίος, vie) union étroite entre deux personnes.
Vie des Saints, Synaxaire : recueil des récits de la vie des saints selon
chaque jour de l’année.
° La formule « en connaissance de cause »
est une expression fréquente des Pères ; elle signifie « non par ignorance
et stupidité, mais avec discernement et en connaissance de cause ». Chez
saint Jean Climaque elle est voisine de « raisonnablement »,
selon la conscience et le sens intime. Saint Dorothée de Gaza emploie, lui,
l’expression εν γνώσει, « avec
science ». Selon lui, elle ne désigne pas seulement les conditions
intellectuelles requises pour la vertu, la science théorique de ses exigences
et la pleine conscience de ce qu’on fait, mais aussi l’intention pure et tout
ce qui est requis pour que l’acte vertueux soit vraiment parfait (Œuvres Spirituelles de Dorothée de
Gaza).